Des études faites sur des petits lacs sont nécessaires pour comprendre ce qui se passe dans les grands lacs comme celui de Winnipeg.
Pour y voir plus clair, La Liberté a interrogé Pauline Gerrard, directrice adjointe à Sustainable Development – Experimental Lakes Area.
- Quels travaux de recherches menez-vous à Sustainable Development – Experimental Lakes Area?
Experimental Lakes Area est le seul endroit au monde où tu peux effectuer des recherches sur tout un lac et évaluer l’impact de l’activité humaine.On poursuit des recherches sur de petits lacs pour mieux comprendre les grands lacs comme [celui] de Winnipeg, qui est soumis à des problèmes causés par le changement climatique comme les moules zébrées ou encore les algues bleues.
- Il y a énormément de lacs dans votre région…
Dans notre localité, il y a environ 58 lacs sur lesquels nous pouvons travailler. Mais c’est tellement gros comme chiffre que nous n’œuvrons jamais sur les 58. Généralement, on se concentre sur 9 à 15 lacs.
Au départ de IISD-ELA, en 1968, il n’y avait que cinq lacs sélectionnés pour faire du monitorage. On s’intéressait déjà au changement climatique sur ces lacs avant même que cette notion soit formulée et ne devienne une urgence.
Les données qu’on a sur ces lacs de 1968 nous fournissent un aperçu du changement climatique et comment ça se traduit dans les lacs.
- Vous concentrez-vous uniquement sur le changement climatique?
Non, on s’intéresse aussi à la pollution au Canada. L’une de nos recherches se penche sur le pétrole et son impact sur les lacs en cas de déversement dans le système d’eau. Outre pointer des problèmes, on explore aussi des pistes de solutions.
Cette année, on a regardé à différentes techniques qu’on peut utiliser pour nettoyer certaines parties du lac en analysant quelle est la plus efficace.
Une autre de nos études porte sur les antidépresseurs et leur présence dans l’eau. Une chose intéressante sur les antidépresseurs, c’est qu’ils affectent les humains, mais des études ont déjà montré qu’il y avait un impact possible sur les poissons.
Notre compréhension du comportement et des effets des composants dans les écosystèmes aquatiques est encore limitée. Cette recherche est particulièrement pertinente dans le contexte de la COVID-19, où les problèmes de santé mentale ont augmenté.
- Vos recherches semblent intemporelles…
L’un des enjeux capitaux dans les systèmes aquatiques, c’est la présence de microplastiques. On les trouve partout dans notre environnement. Nous le savons.
Mais ce que nous ne connaissons pas, c’est l’impact des microplastiques sur notre environnement et sur la faune aussi bien marine que terrestre et aérienne.
Ici, il n’y a pas de chalet, il n’y a pas de route. Finalement, il n’y aurait pas de raison que des microplastiques atterrissent dans les lacs à part par le vent.
On a déjà eu des résultats préliminaires sur la quantité de microplastiques trouvée dans les lacs. À partir d’échantillonneurs à distance, on a pu observer énormément de microplastiques. Même dans cette zone à l’abri de l’activité humaine.
La partie la plus importante ce sont les fibres, on peut les trouver dans nos vêtements. Les fibres peuvent voyager avec le vent et se déposer dans les lacs. Cette année, l’étude terminera la compréhension de trois différents types de plastique, et la façon dont ils flottent, s’ils coulent, s’ils finissent dans l’estomac des poissons, ce genre de choses.
- Comment étudiez-vous les lacs l’hiver?
Évidemment, notre plus gros travail se déroule quand il n’y a pas de glace sur le lac. Mais l’hiver, on retourne sur les lacs vers janvier, février. Une chose intéressante pendant l’hiver, c’est le vent, qui ne vient pas interférer avec l’eau, c’est comme une pause pour les lacs qui permettent d’avoir une image fixe à un moment.
- En quoi IISD-ELA est différent des autres centres de recherches?
On travaille avec les Premières Nations du Traité n˚ 3 sur des questions de surveillance, on est partenaires depuis 2011.
Avant d’être sous la tutelle de International Institute Sustainable Development, nous étions une installation gouvernementale. À partir de là, on a reconnu qu’on travaillait sur le Traité n˚ 3 et on a voulu construire une relation avec les Premières Nations dès le départ.
Ce partenariat passe par le fait de comprendre quelles sont leurs préoccupations, et essayer d’orienter nos recherches dans ce sens. L’eau qu’ils boivent vient de lacs autour de nous et l’on peut s’entraider pour voir à la durabilité de nos systèmes aquatiques.
En ce moment, on essaye de voir à amener le savoir autochtone dans nos recherches. On veut combiner l’approche autochtone et l’approche occidentale. On a tellement à apprendre d’eux.