«J’essaye de garder un esprit positif en me disant que ce n’est pas la fin du monde, qu’il y a des solutions, mais à la longue c’est très stressant et démoralisant», exprime André Denis, agriculteur et éleveur de bovins depuis plus de 25 ans.
Les conditions météorologiques étaient favorables à l’agriculture en début d’année, mais la sècheresse a terrassé ses champs cet été.
Les fortes chaleurs estivales de cette année ont empêché les récoltes de croitre comme d’habitude. «En juin et juillet, notre pâturage avait l’air de celui presque mort d’octobre et novembre», se désole le producteur, natif du village de Saint-Denis, à l’est de Saskatoon. Aussi une certaine inquiétude s’est-elle installée : «On a commencé à se demander comment on allait pouvoir nourrir les bêtes pour l’hiver.»
Une lueur d’espoir
Les précipitations du début du mois de septembre donnent tout de même espoir. «La situation n’est pas aussi inquiétante pour nous qu’elle l’était il y a tout juste deux semaines. Maintenant, les animaux ont quelque chose à manger et les champs sont un peu plus verts», explique André Denis, précisant qu’il n’en est pas de même pour tous, des confrères ayant, eux, tout perdu.
Au mieux, l’éleveur espère récolter le tiers des récoltes habituelles pour nourrir ses quelques centaines de bêtes pendant l’hiver. «Nous allons devoir acheter du foin de moins bonne qualité pour compenser. En le mélangeant à du foin de qualité, on arrive à une assez bonne ration», indique-t-il.
À lire aussi : Aléas climatiques dans l’Ouest : «C’est sans précédent»
À lire aussi : Moins de blé dans les champs, hausse des prix dans l’assiette
Une sècheresse historique
André Denis qualifie cette année de «mémorable» en matière de sècheresse, au même titre que les années 1988 et 2002. «1988 a été ma pire année, il n’y a pas eu de récolte du tout. Et en 2002, il n’y avait pas d’eau, je devais charrier de l’eau tous les jours aux animaux et on a dû vendre des animaux à l’automne», se remémore-t-il avec peine.
À la fin du mois de juillet, l’éleveur a à nouveau dû prendre la dure décision de se séparer de quelques têtes de bétail. «Ce sont des décisions propres à chacun, je ne regrette pas ce choix, il y a toujours des risques à prendre», dit-il.
L’éleveur redoute un hiver rude et pressent que plus de bêtes encore devront être vendues en automne afin d’éviter un manque d’approvisionnement : «On va s’en souvenir de cette année», lance-t-il.
Quelques coups de pouce
Le 15 aout dernier, le gouvernement du Canada a augmenté le financement du programme Agri-relance jusqu’à 500 M$, afin d’aider les producteurs à faire face aux conditions météorologiques extrêmes.
En plus de ce soutien, l’admissibilité au programme fédéral de report de l’impôt a été accordée aux producteurs de bovins dans les régions touchées par la sècheresse. Une aide qui leur permet de repousser le paiement de l’impôt sur la vente de leur troupeau.
Bien que positivement accueillie, cette mesure est loin d’être suffisante pour contrecarrer l’augmentation des prix du foin selon l’éleveur : «Le foin de qualité se fait rare, donc les prix augmentent», résume-t-il, ajoutant que les prix ont doublé cette année.
Des pistes de solution
Selon le portail Données Climatiques Canada, fruit de la collaboration entre Environnement et Changement climatique Canada et plusieurs autres organismes, la population canadienne doit s’attendre à un risque croissant de sècheresse en raison du réchauffement climatique, surtout dans le sud des Prairies.
Pour les agriculteurs, s’adapter à cette nouvelle réalité n’est pas chose aisée. «Il n’y a pas beaucoup de changements que l’on peut apporter sur la ferme, à part avoir des élevages plus petits et faire des rotations sur divers pâturages pour permettre aux champs de repousser», songe André Denis. Une technique qui prend plusieurs années à parfaire pour offrir de bons résultats.
Patrick Lloyd-Smith, professeur au département d’agriculture de l’Université de la Saskatchewan, est d’avis que les stratégies d’adaptation des agriculteurs sont limitées. «La province est connue pour ses terres pauvres en irrigation depuis longtemps. Les agriculteurs sont habitués à ces défis et utilisent déjà les meilleures techniques», souligne-t-il.
L’année dernière, le gouvernement provincial avait annoncé 4 G$ pour un projet d’irrigation sur plus de 500 000 acres à partir du lac Diefenbaker, «un projet fort intéressant qui serait le début d’un accès plus facile à l’eau pour les agriculteurs. Car pour l’instant, sans irrigation, ces derniers ne peuvent compter que sur la pluie», ponctue le professeur.
+++
Une ligne téléphonique d’urgence, Farm line stress est offerte aux agriculteurs 24 heures sur 24 au 1-800-667-4442 (en Saskatchewan).
+++