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le Vendredi 21 mai 2021 14:54 Sciences et environnement

Cet été, des hannetons croustillants pour l’apéritif

Un hanneton commun de la collection du département de biologie de l’Université de Moncton. — Courtoisie
Un hanneton commun de la collection du département de biologie de l’Université de Moncton.
Courtoisie
IJL LA VOIX ACADIENNE (Île-du-Prince-Édouard) – D’ici quelques semaines, les hannetons (June bugs) devraient envahir les jardins de l’Île-du-Prince-Édouard au crépuscule. Par milliers, ils sortiront de terre. Ces coléoptères, qui souffrent d’une mauvaise réputation, sont pourtant un mets de qualité selon les entomologistes.  
Cet été, des hannetons croustillants pour l’apéritif
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Fin mai, début juin, ils débarqueront par centaines dans les jardins, percutant les fenêtres, s’accrochant aux cheveux, attirés par les lumières de nos maisons. Des nuées noires qui volèteront maladroitement, l’air pataud. Ce sont les hannetons.

Ce coléoptère bien connu des Prince-Édouardiens attend les premières nuits chaudes du printemps pour sortir de terre avec un seul objectif : trouver son compagnon afin de se reproduire. 

«Il y a deux ans, mai et juin ont été particulièrement froids et on n’en a pratiquement pas vu, car ils n’ont pas eu le signal qu’ils attendaient», partage Gaétan Moreau, professeur d’écologie à l’Université de Moncton.

L’insecte vit trois ans, dont la grande majorité du temps sous l’herbe de nos gazons, sous forme de gros ver blanc. Durant cette période, il se nourrit de racines. 

«Il n’y a pas beaucoup de nutriments là-dedans, ce n’est pas très nourrissant, c’est pour cela que le hanneton met plusieurs années à atteindre le stade adulte tel qu’on le connait», explique Gaétan Moreau.

Un insecte rempli d’oméga 3   

Une fois sorti de terre, le hanneton survit très peu de temps à l’air libre, en particulier les mâles. «Ils peuvent être mal en point dès leur première nuit dehors», confirme l’entomologiste. Les femelles résistent un peu plus longtemps pour pondre leurs œufs, environ une semaine. D’après le spécialiste, les populations de hannetons se portent bien depuis des années.

Courtoisie

Mais à quoi peut bien servir cet insecte bruyant et malaimé? «Ce n’est pas seulement un ravageur qui grignote les racines des plantes, de nombreux animaux s’en nourrissent», révèle Gaétan Moreau. Extrêmement nutritif et présent en abondance tout au long de l’année, le hanneton, qu’il soit sous forme de ver ou de coléoptère ailé, est comme un bonbon pour de nombreuses espèces. Les moufettes raffolent ainsi des larves.

Les hannetons ne sont pas seulement bons pour les animaux, les humains peuvent également en manger. 

«C’est rempli d’oméga 3, de protéines et de plein de bonnes choses», souligne Gaétan Moreau. Et d’ajouter : «On peut les faire cuire dans du beurre, ça goute le maïs soufflé». 

Chaque année, l’entomologiste s’improvise chef le temps d’une journée et cuisine des «adultes vigoureux» au curry ou au sirop d’érable.

Laisser respirer le gazon  

Le scientifique incite les enfants à en gouter pour lever la barrière physiologique dès le plus jeune âge.

En Europe et en Amérique du Nord, nous sommes les seules civilisations à ne pas manger d’insectes alors qu’ils représentent une quantité de protéine bien supérieure à celle de la viande, accessible à un faible cout.

— Gaétan Moreau, professeur d’écologie à l’Université de Moncton

Si vraiment on ne veut pas voir de hannetons sur sa propriété, il n’y a pas grand-chose à faire selon Gaétan Moreau. Installer des cabanes d’oiseaux pour favoriser la présence de prédateurs ou laisser pousser le gazon pour rendre la ponte des œufs plus difficile font partie des options envisageables. «Mais c’est un défi, c’est impossible de s’en débarrasser», insiste l’entomologiste.

Aux yeux de Gaétan Moreau, il est de toute façon préférable de limiter au maximum l’intervention humaine sur les carrés de jardin pour préserver au maximum la biodiversité. 

«Les pelouses parfaites, ce n’est pas bon pour l’environnement, affirme-t-il. Si on laisse faire la nature, ça favorise un milieu plus diversifié qui s’autorégule, un équilibre naturel se crée.»

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