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le Dimanche 9 octobre 2022 12:40 | mis à jour le 12 juin 2023 10:37 Société

L’Action de grâce, une fête aux origines compliquées

FRANCOPRESSE – Rien n’est simple en histoire. On pourrait penser que l’histoire de l’Action de grâce – Thanksgiving en anglais – est tout ce qui est de plus simple à raconter. En fait, on compte plusieurs versions de l’origine de l’Action de grâce. En voici quatre.
L’Action de grâce, une fête aux origines compliquées
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Première histoire : La Nouvelle-Angleterre

Commençons par ces fameux Pilgrims. Il s’agissait de puritains, c’est-à-dire des membres d’une mouvance religieuse de l’Église d’Angleterre qui voulaient «purifier» celle-ci de penchants trop catholiques à leur gout. Une partie des puritains – dont sont issus les Pilgrims – voulait carrément se dissocier de l’Église anglicane. Pour cette raison, on les a alors qualifiés de «séparatistes».

Arrivée des Pilgrims dans la baie de Massachusetts en décembre 1620. (1876)

Source : Wikimedia Commons – Domaine public

Persécutés, plusieurs d’entre eux décident de s’installer aux Pays-Bas – alors les Provinces-Unies – dans les années 1607-1608. Mécontents de leur sort, ils réussissent après quelques années à obtenir une charte du roi d’Angleterre – le pays qu’ils avaient fui – pour s’établir en Amérique du Nord, mais loin de l’influence de la colonie anglaise naissante da la Virginie.

Ainsi, en 1620, une centaine de ces Pilgrims montent à bord du mythique Mayflower pour traverser l’océan. Ils touchent terre près de l’actuelle ville de Boston, dans un lieu qu’ils nomment Plymouth.

L’année suivante, le groupe célèbre sa première récolte dans le Nouveau Monde en rendant grâce à Dieu. Cet évènement est généralement reconnu comme étant LE premier Thanksgiving.

Mais un autre épisode – beaucoup moins connu – rivalise avec celui des Pilgrims.

Le Mayflower à Plymouth peint par William Halsall 1882.

Source : Wikimedia Commons – Domaine public

Seconde histoire : La Virginie

En 1619, un groupe de colons anglais arrive en Virginie, fondée une douzaine d’années plus tôt. Aussitôt débarqués, ces nouveaux arrivants tiennent une célébration religieuse pour remercier Dieu.

La charte de la London Company, responsable de cet établissement, prévoyait que le jour de l’arrivée des colons serait consacré annuellement «comme un jour saint d’action de grâce envers Dieu tout-puissant».

Une célébration annuelle commémorant ce jour est effectivement organisée annuellement, mais seulement depuis… le milieu du 20e siècle.

Mais attention : une histoire venant du Canada conteste le titre de première Action de grâce.

L’explorateur Samuel de Champlain a créé l’Ordre de Bon Temps à Port-Royal, en Acadie, en 1606 afin d’égayer les hivers rigoureux. (Charles William Jeffreys, 1925)

Source : Wikipedia

Troisième histoire : Le Canada

Le challenger est Martin Frobisher. Vers la fin du 16e siècle, cet explorateur anglais, comme bien d’autres Christophe Colomb de ce monde, cherche le moyen de se rendre en Asie par l’ouest. Il s’acharne pendant trois expéditions à trouver ce fameux passage dans les eaux arctiques.

L’explorateur anglais Martin Frobisher a mené trois expéditions sur les côtes de ce qui est maintenant le Nunavut, à la recherche d’un passage vers l’Asie.

Photo : Cornelis Ketel, vers 1577 Source : Wikimedia Commons – Domaine public

Lors de son troisième voyage, en 1578, le mauvais temps disperse sa flottille de 15 navires et certains repartent vers l’Angleterre. Les autres se rassemblent à l’actuelle ile de Baffin, dans une baie qui portera par la suite le nom de Frobisher, où se trouve maintenant Iqaluit, capitale du Nunavut.

Frobisher y organise une cérémonie pour rendre grâce à Dieu d’avoir épargné son équipage de la mort. L’Encyclopédie canadienne affirme avec autorité qu’il «est de notoriété publique que le premier Jour d’Action de grâce en Amérique du Nord fut célébré par Martin Frobisher et son équipage […] en 1578».

Dans cette compétition «pour la célébration de la première Action de grâce», mention spéciale à Samuel de Champlain, cofondateur à la fois de l’Acadie, puis de Québec. Installé à Port-Royal (aujourd’hui Annapolis Royal, en Nouvelle-Écosse), Champlain fonde l’Ordre de Bon Temps en 1606, après un hiver durant lequel nombre de ses compatriotes français sont morts du scorbut. Cet Ordre avait notamment pour but d’organiser de grands festins pour divertir la colonie.

Évidemment, les Américains contestent les prétentions canadiennes et jurent qu’ils étaient les premiers à fêter l’Action de grâce.

Pourtant, certains historiens et experts autochtones rappellent que les ancêtres des Premières Nations célébraient la récolte d’automne bien avant l’arrivée des Européens, une tradition remontant à des milliers d’années.

Mais quand fêter l’Action de grâce?

Il a fallu bien du temps pour que ces premières moutures de gratitude deviennent un jour férié célébré à date fixe.

Aux États-Unis, cela s’est fait en plusieurs étapes. En 1777, les treize colonies fédérées proclament le premier Thanksgiving national.

En 1789, le premier président américain, George Washington, désigne le 26 novembre comme congé pour célébrer l’Action de grâce.

En 1863, le président Abraham Lincoln fixe la date au dernier jeudi de novembre.

En 1939, le dernier jeudi de novembre tombe le 30 et le président Franklin D. Roosevelt décide de déplacer le congé à l’avant-dernier dernier jeudi du mois, afin d’éviter une saison d’achats de Noël écourtée. Seize États refusent de se soumettre à cette décision et conservent la date préalable.

Pendant deux ans, les deux dates cohabiteront, jusqu’à ce la journée soit définitivement fixée, en 1941, au quatrième jeudi de novembre.

Ouf!

L’Action de grâce est une occasion pour plusieurs de partager un repas en famille.

Photo : Ms Jones Source : Wikimedia Commons

Ce n’est pas plus simple au Canada.

Ici aussi, la date va gambader un peu. Au 19e siècle, l’Action de grâce se célèbrera à différents jours et moments de l’année. Parfois, elle sera associée à un évènement spécial, comme en 1872, alors qu’elle souligne la guérison du prince de Galles, fils de la reine Victoria et futur Édouard VII.

En 1879, le Parlement désigne le jeudi 6 novembre comme jour de congé annuel pour cette fête. Mais encore une fois, l’Action de grâce se défile ; elle changera de date plus d’une fois et sera célébrée aussi tard que le 6 décembre. Parfois, la date coïncidait avec celle du Thanksgiving américain.

Puis, la fête se déplacera en octobre, mais à différents jours, selon les années. En 1921, elle reviendra en novembre, soit le lundi de la semaine du 11 novembre, qui coïncide avec le jour de l’Armistice. Dix ans plus tard, il est décidé que l’Armistice sera désormais souligné précisément le 11 novembre et qu’il prendra le nom de jour du Souvenir.

C’est alors que l’Action de grâce est à nouveau transplantée en octobre, au deuxième lundi du mois, et ce, de façon définitive… sauf – il faut toujours une exception à toute bonne règle – en 1935. Pourquoi? Comme les élections fédérales tombaient le même jour, la fête a été remise cette année-là au jeudi 24 octobre, non sans critiques.

Épuisant, non?

On peut au moins se réconforter dans le fait que, si le Canada et les États-Unis divergent d’opinion sur la paternité de l’Action de grâce, une chose les unit : la dinde.

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