L’Organisation des Nations Unies (ONU) a désigné l’année 2021 comme étant l’Année internationale des fruits et légumes. «[N]ous entendons examiner de plus près un secteur essentiel et réclamer l’adoption d’une approche holistique de la production et de la consommation, qui soit bénéfique pour la santé humaine et pour l’environnement», écrit le secrétaire général de l’ONU, António Guterres.
La majorité du territoire du Nord de l’Ontario est depuis longtemps perçue comme inhospitalier à la culture agricole, mais des investissements récents semblent démontrer que l’heure est au développement. Les plus grands obstacles à contourner sont sans contredit le froid et la neige.
La copropriétaire de la ferme J’me champs bien près de Cache Bay, Isabelle Spence-Legault, croit qu’il y a de plus en plus de place pour la consommation de produits locaux.
Justement, le professeur en agronomie du Collège Boréal, Jean-Pierre Kapongo, dirige une recherche sur des stratégies possibles pour atténuer les conséquences d’une rupture de la chaine alimentaire dans la région lors d’une éventuelle pandémie. La recherche est réalisée par le Centre de recherche en biodiversité du Collège Boréal.
Le Nord ontarien comme lieu de production
Détenteur d’un doctorat en agronomie, Jean-Pierre Kapongo croit que l’avenir de la production agricole dans le Nord de l’Ontario se trouvera dans les serres.
L’avantage des serres, c’est que l’on peut y contrôler les conditions ; la température et la qualité du sol, entre autres. «C’est ce que le Collège Boréal essaie de démontrer, avec l’installation d’une serre expérimentale pour montrer aux gens que nous pouvons cultiver au Nord», explique Jean-Pierre Kapongo. Même la production de fruits non indigènes pourrait devenir possible.
Isabelle Spence-Legault, croit-elle aussi que les serres promettent de nouvelles possibilités, mais qu’il y a d’autres solutions pour produire toutes sortes de choses dans le Nord. «Je dirais même que c’est un mythe qu’il faut s’acharner au climat qui nous limite dans le Nord de l’Ontario.» L’agricultrice écologique souligne que l’on peut bien étudier les conditions de la région et choisir des variétés qui peuvent mieux s’y adapter.
Isabelle Spence-Legault cite notamment l’ensoleillement estival dans le Nord. «C’est la raison pour laquelle on trouve parfois sur le web des images de choux qui sont incroyablement gros.»
Elle a été témoin de l’effet de cet ensoleillement lorsqu’ils ont participé à une recherche sur les engrais verts. Vers la deuxième semaine de juin, leur seigle d’hiver était plus grand que ceux des autres participants. Le désavantage, c’est qu’il faut travailler plus rapidement pour les récoltes, avant qu’elles ne soient plus propres à la consommation.
Changements dans la production
Jean-Pierre Kapongo croit qu’avec plus de serres, le Nord de l’Ontario pourrait devenir moins dépendant de la production agricole du Sud et du monde et même devenir un exportateur, après avoir comblé ses besoins. Il entrevoit même la création de coopératives pour faciliter l’exportation.
En revanche, il faudrait que les gouvernements investissent, qu’ils financent la construction des serres pour permettre aux petites et moyennes entreprises d’en profiter plus facilement.
Les changements climatiques ont déjà commencé à prolonger la saison des cultures, mais le professeur du Collège Boréal ne compte pas sur ce changement pour contrer les températures froides du Nord. «On ne va pas voir l’été se prolonger totalement comme c’est le cas au sud de l’Ontario. On voit peut-être deux ou trois semaines de changement.»
«Il ne faut pas se leurrer, les changements climatiques changent beaucoup ce que l’on peut faire dans le Nord de l’Ontario», concède Isabelle Spence-Legault.