Cet article fait partie de la série Les articles de l’Arctique, une collaboration entre L’Aquilon (Territoires du Nord-Ouest), l’Aurore boréale (Yukon) et le Nunavoix (Nunavut).
La prédominance de l’insécurité alimentaire dans l’Arctique canadien découle de nombreux facteurs et est intimement liée à la pauvreté et au racisme systémique, selon M. Obed.
Véritable feuille de route, cette stratégie énonce des actions concrètes qui reflètent les différentes réalités et priorités des collectivités inuites.
Des causes multiples
Le système d’approvisionnement alimentaire dans les collectivités est complexe et dépend en grande partie du réseau maritime ou aérien qui permet l’importation d’aliments en provenance du Sud.
En raison des prix élevés des aliments (dont les couts de transport se reflètent directement sur les prix en magasin) et des faibles revenus des ménages, la plupart des familles ne peuvent se procurer des aliments sains. Selon l’étude, 20 % des calories consommées dans l’Inuit Nunangat (Nunavut, Nunavik, Nunatsiavut et la région désignée des Inuvialuits) contiennent peu ou pas de micronutriments.
Brian Pottle, président du Conseil national des jeunes Inuits (NIYC) depuis juin 2021, est originaire du Labrador et il connait bien cette réalité.
«Je l’ai vécu personnellement : quand on n’a pas un revenu élevé, on est obligé de choisir l’option la moins chère pour tout et c’est malheureusement la moins nutritive et la moins saine. Les valeurs nutritionnelles sont manquantes, ce qui est problématique, car vous ne pouvez pas [avoir un apport] équilibré», déplore-t-il en entrevue.

Repas déséquilibrés ou repas sautés, l’insécurité alimentaire est un problème de santé publique qui peut mener à une détérioration de l’état de santé général et à un risque élevé de développement de maladies chroniques.
L’éloignement géographique et le cout du transport, mais aussi l’imprévisibilité de la météo sont quelques-unes des multiples causes de cette situation, selon Lynn Blackwood, analyste des politiques de sécurité alimentaire au sein du gouvernement du Nunatsiavut à Nain, au Labrador.
Les avions atterrissent sur de petites pistes en fonction de la météo. Lorsque le temps est mauvais, ils ne peuvent pas fournir les communautés, et cette situation a un impact.
Selon l’analyste, qui dit rester optimiste, les causes de l’insécurité alimentaire dans le Nord sont nombreuses et rendent la situation complexe.
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Diverses aides financières
Le Canada a ratifié en 1976 le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ce traité international affirme le droit à une alimentation adéquate, c’est-à-dire exempte de substances nocives et acceptables dans une culture déterminée, accessible de façon durable, en quantité suffisante et d’une qualité propre à satisfaire les besoins alimentaires.
Selon Leslie Michelson, porte-parole pour Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, le gouvernement fédéral est déterminé à améliorer la sécurité alimentaire dans l’Inuit Nunangat en se basant sur une approche pangouvernementale, en collaboration avec les dirigeants et les collectivités inuites.
Si l’approche collaborative permet de réaliser des progrès, selon elle, les multiples facteurs qui jouent un rôle dans l’insécurité alimentaire sont exacerbés par l’isolement.

Plusieurs fonds et programmes ont été créés par le gouvernement fédéral, comme le Fonds de soutien aux communautés autochtones dont le budget s’élève à 1,1 milliard $.
Le programme Nutrition Nord Canada (NNC), qui a alloué 163,4 millions $ sur trois ans à partir de 2021, «fait partie intégrante d’une solution plus large et plus intégrée» pour Mme Michelson.
Pour sa part, Lynn Blackwood considère ce programme comme une aide, mais pas comme une solution : «Offrir un programme qui diminue le cout de la nourriture alors que le prix est déjà astronomique par rapport aux communautés du Sud est juste un coup de main.»
Les mesures et pistes de solutions
Les aliments traditionnels qui sont d’une grande importance culturelle et nutritive pour les collectivités subissent de plein fouet les conséquences du réchauffement climatique.
En effet, la viande de caribou était la première source de protéines et de fer pour la plupart des Inuits jusqu’au récent déclin des populations. Au Labrador par exemple, à la suite de la baisse inquiétante du nombre d’individus de la harde de George River, la chasse a été interdite en 2013.
«Je pense que l’interdiction était nécessaire pour s’assurer que la population de caribous [augmente] et soit disponible pour les générations futures, mais cela a un impact énorme non seulement sur la nutrition, mais aussi sur les valeurs culturelles», estime Mme Blackwood.
Pour Brian Pottle, du NIYC, la stratégie présentée par ITK est ancrée dans la réalité vécue par les populations et les solutions mises de l’avant vont permettre de supprimer le fossé financier qui empêche les Inuits de se procurer des aliments sains et abordables.
Les gens du Nord paient vraiment le prix pour le Nord, mais je suis heureux que la stratégie soit une feuille de route pour aider à construire et à combler le fossé.
Renforcer l’autodétermination des Inuits au sein du système alimentaire, réduire la pauvreté ou encore subventionner et investir dans le secteur aérien en tant que service essentiel sont quelques-unes des pistes de solutions développées dans le rapport.
La stratégie rappelle, dans sa conclusion, que le manque de volonté du Canada à investir sérieusement dans les infrastructures maritimes et aéronautiques régionales place le pays en recul par rapport aux autres nations possédant des territoires en Arctique.
Cependant, la promotion et le soutien d’activités de récoltes jointes à un renforcement de l’autodétermination des Inuits dans le système alimentaire devraient permettre de modeler un système qui reflète les priorités alimentaires des collectivités inuites.