La conférence Leadeurship au féminin : le regard de la diversité était organisée par le Centre de santé et le Centre Victoria pour femmes le 17 mars, animée par l’agente de liaison culturelle, Priscilla Mbemba. Trois femmes ont apporté points de vue et pistes de solutions afin que les femmes immigrantes puissent prendre davantage leur place dans la société canadienne.
Lors de cette rencontre, Sarah Kazadi, la technicienne en travail social, a assuré que «la femme est une ressource naturelle qui n’a pas été assez exploitée». Une expression qui a entrainé plusieurs messages d’approbation dans le fil de discussion.
Par cette phrase, Sarah Kazadi a fait référence aux traditions de plusieurs pays qui demandent aux femmes de rester à la maison. Les mentalités changent au Canada, mais dans plusieurs autres pays, le mariage est encore vu comme le but ultime à atteindre pour elles. Pourtant, ce n’est pas un style de vie désiré par toutes et qui permet à toutes de s’épanouir.
Ces «ressources naturelles» signifie, selon Mme Kazadi, que ce sont les habiletés des femmes qui sont sous-utilisées sur le marché du travail. En partie parce qu’elles ont été limitées au titre de ménagère pendant longtemps et que ce vieil ordre social persiste encore dans la tête de certains.
Les femmes et familles immigrantes qui arrivent d’un pays où la vision traditionnelle est prédominante pourront avoir plus de difficulté à adopter le modèle canadien, a souligné de son côté l’étudiante en affaires Marie Emanuelle Adopo. Cette dernière a suggéré de ne pas aller à la confrontation avec son conjoint en revendiquant ses nouveaux droits canadiens, mais plutôt de s’assoir et de discuter des besoins de chacun.
Selon le coordonnateur des services d’immigration du Centre de santé, Moïse Zahoui, il y a une réflexion qui commence sur le sujet dans d’autres parties du pays, mais aucun organisme à Sudbury ne peut appuyer une famille dans cette démarche.
Une participante à la conférence a demandé des conseils pour attirer des femmes issues de l’immigration à s’engager dans les organismes culturels. Sarah Kazadi a proposé d’en recruter plus d’une à la fois : la travailleuse sociale a précisé qu’être la seule personne de couleur peut être intimidant. Si elles sont au moins deux, elles seront beaucoup plus intéressées.
L’animatrice a aussi suggéré d’utiliser des images comprenant des nationalités variées dans ses outils de promotion afin de signaler qu’un organisme est ouvert à tous et à toutes.
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Qu’est-ce que l’intersectionnalité?
L’Office québécois de la langue française (OQLF) définit l’intersectionnalité comme un «cumul de différentes formes de domination ou de discrimination vécues par une personne, fondées notamment sur sa race, son sexe, son âge, sa religion, son orientation sexuelle, sa classe sociale ou ses capacités physiques, qui entraine une augmentation des préjudices subis.»
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Le féminisme est-il blanc?
Les trois panélistes invitées par le Contact interculturel francophone de Sudbury (CIFS) se sont entendues : oui, le féminisme est blanc, surtout en Amérique du Nord.
La présidente de la Coalition des Noir.e.s Francophones de l’Ontario (CNFO), Julie Lutete, a remarqué il y a longtemps qu’il y a très peu, voire aucune femme noire haut placée dans les institutions, même dans celles qui doivent représenter les femmes.
Pourtant, comme l’a expliqué la professeure en travail social de l’Université Laurentienne Isabelle Côté, il faut qu’il y ait des représentants des minorités en position de pouvoir pour que leurs besoins soient pris en considération.
Ce précepte s’applique aussi à la diversité, comme le soutient Isabelle Côté : s’il n’y a pas de femmes issues des minorités culturelles dans les postes de décision, leurs besoins ne sont pas pris en compte. La professeure ajoute que les conséquences peuvent être graves, car certaines solutions mises de l’avant par les femmes blanches peuvent causer du tort aux femmes de la minorité.
Par exemple, l’augmentation du financement des corps policiers peut être bien vue par les femmes blanches, mais peut être un danger pour les femmes noires.
«Cocher des cases»
En même temps, les panélistes soulignent qu’il ne faut pas pousser une femme dans un rôle qu’elle ne peut pas occuper simplement pour «cocher des cases» dans un formulaire de diversité.
La professeure de biologie de l’Université Laurentienne, Mery Martinez, a quant à elle expliqué que des femmes sont souvent invitées à faire partie d’un groupe simplement pour être à la fois la représentante des femmes, des immigrants et des francophones, par exemple.
Dans ces circonstances, les compétences comptent peu, seulement l’identité, assure la professeure. La femme se retrouve alors surchargée de travail comparativement aux collègues du même groupe. Comble de malheur, elle sera souvent moins écoutée et les hommes s’approprieront ses idées.
Malgré les progrès réalisés depuis les années 1970, le combat doit continuer. Aussi bien l’élection de Donald Trump que les impacts de la pandémie démontrent que les acquis peuvent être très rapidement perdus.
Parmi les solutions explorées lors des conférences, au-delà de trouver des femmes qui ont le désir de prendre les rôles difficiles, il y a l’éducation, aussi bien dans la cellule familiale que dans les institutions. Les alliés masculins sont aussi les bienvenus dans certaines circonstances, pourvu qu’ils soient sincères et intègres, ont indiqué les panélistes.