Le Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick (CFMNB) n’est pas une faculté de médecine indépendante ; la formation est encadrée par l’Université de Sherbrooke, qui décerne les diplômes, mais tout se déroule au Nouveau-Brunswick.
Une structure complexe qui donne de bons résultats : en 15 ans, 256 étudiants du CFMNB ont obtenu leur doctorat en médecine. Environ 150 d’entre eux ont opté pour la médecine familiale et une centaine ont choisi une spécialité.
Les taux de rétention sont excellents : environ 90 % des médecins de famille diplômés pratiquent au Nouveau-Brunswick et de 55 % à 60 % des étudiants de Moncton qui poursuivent leurs études dans une spécialité au Québec reviennent dans la province.
En cours de route, le CFMNB a ajouté une maitrise et un doctorat de recherche en sciences de la santé. Puis, en 2019, le programme de résidence en psychiatrie s’est ajouté à raison de deux résidents par année. Une autre discipline qui pourrait être délocalisée éventuellement est la physiothérapie.
Le Centre souhaite maintenant augmenter son nombre d’étudiants en médecine. Son directeur, le Dr Michel Landry, est en pourparlers avec ses partenaires pour ajouter huit places aux 24 existantes par année : quatre seraient offertes à des étudiants du Nouveau-Brunswick et les quatre autres seraient réservées pour la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard.

Actuellement, trois places sont réservées dans les facultés de médecines du Québec pour la Nouvelle-Écosse et une pour l’Île-du-Prince-Édouard. Les nouvelles places à Moncton remplaceraient celles au Québec.
«L’idéal, ce serait pour l’année 2023», espère le Dr Landry.
L’autre contribution du CFMNB : la recherche
Après de lents débuts, le secteur de la recherche n’a cessé de croitre au CFMNB.
«On est encore une petite équipe, mais malgré ça on tire notre épingle du jeu», dit fièrement le directeur de la recherche, Mathieu Bélanger, en poste depuis 2008.
«Annuellement, on parle d’au-dessus de deux-millions de dollars par année en subvention de recherche qui arrivent de l’extérieur de la province», ajoute-t-il.
La recherche menée à Moncton porte principalement sur les habitudes de vie, la neurologie — particulièrement la sclérose en plaques — et la génétique. «On a une généticienne qui a été embauchée récemment qui est en train de découvrir des prédispositions génétiques dans la population acadienne qu’on ne connaissait pas avant», s’enthousiasme Mathieu Bélanger.

La genèse du projet
Le premier tournant ayant mené à la création du CFMNB a été la signature, en 1980, d’une entente entre le Nouveau-Brunswick et le Québec par laquelle le nombre de places réservées aux étudiants du Nouveau-Brunswick dans les facultés de médecine des universités de Sherbrooke, Laval et Montréal passait de 12 à 20.
Au début des années 2000, ce nombre est passé à 30, dont 24 sont formés à l’Université de Sherbrooke.
Le Dr Aurel Schofield a piloté du début à la fin ce projet visant à ce que les aspirants médecins francophones du Nouveau-Brunswick puissent faire leurs études dans la province, dans leur langue : «Je dis tout le temps qu’on a bâti le programme de formation en médecine à l’envers. Au lieu de commencer avec les deux premières années, on a fait le contraire», lance-t-il.
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Un programme de médecine familiale comprend trois grandes étapes. Les deux premières années et demie consistent en une formation générale en médecine. Les 18 mois qui suivent sont surtout consacrés aux stages cliniques dans les hôpitaux. Après ces quatre années, les étudiants suivent une formation de deux ans uniquement consacrée à la médecine familiale.
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Au départ, on a délocalisé au Nouveau-Brunswick les deux années de formation de médecine familiale, soit les 5e et 6e années du programme. Puis, on a développé les stages. Résultat : les étudiants acadiens inscrits en médecine au Québec, après leurs deux premières années et demie d’études, revenaient au Nouveau-Brunswick compléter leur formation.
Tout ce qui nous manquait pour avoir un diplôme complet ici, c’était de pouvoir offrir les deux premières années et demie du programme.
Ce n’était pas gagné d’avance. Une population de seulement 240 000 francophones au Nouveau-Brunswick, c’était bien peu pour soutenir un programme de formation de médecine complet.
Mais au début des années 2000, les étoiles se sont alignées.
Avec le nombre accru d’Acadiens formés en médecine au Québec, une masse critique de médecins francophones étant en mesure de faire de l’enseignement médical a été atteinte au Nouveau-Brunswick.
Aurel Schofield a ensuite obtenu une subvention de 10 millions $ du Consortium national de formation de santé (CNFS), un regroupement d’établissements postsecondaires offrant des programmes en français dans différentes disciplines de la santé. Cela lui a donné un argument de taille pour négocier avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick, alors dirigé par le francophone Bernard Lord.

Aussi, le ministre de la Santé était un Acadien, alors que les Finances et l’Éducation avaient également un francophone à leur tête.
Mais ce qui a tout changé, c’est la décision du gouvernement québécois de l’époque de demander aux facultés de médecine de la province d’augmenter leur nombre de diplômés. L’Université de Sherbrooke, qui comptait 24 des 27 sièges en médecine réservés aux étudiants du Nouveau-Brunswick, y a vu une occasion formidable. L’arrivée en janvier 2004 d’un nouveau doyen à la Faculté de médecine de Sherbrooke a précipité les choses.
Le nouveau doyen, Réjean Hébert, était une connaissance de longue date d’Aurel Schofield. «Il a commencé le 3 janvier, se souvient celui-ci. Le 4, il m’appelle pour me dire : “OK Aurel, c’est le temps”. Et je lui réponds : “C’est le temps de quoi”? “De réaliser ton projet”», a répondu le doyen.
L’Université de Sherbrooke entreprend alors de délocaliser une partie de sa Faculté de médecine à Moncton ainsi qu’à Saguenay. Sherbrooke libérait ainsi 48 sièges d’un coup et pouvait répondre à la demande du gouvernement québécois.
Il restait évidemment beaucoup à faire, car il n’existait pas vraiment de modèle pour délocaliser un programme de formation médicale.
Un genre de structure hybride prend forme. Les locaux sont installés au sein de l’Université de Moncton. Les médecins enseignants allaient provenir soit de Sherbrooke, soit du Nouveau-Brunswick, et ce seraient des médecins pratiquants libérés pour enseigner.

Les autres personnes travaillant au CFMNB sont des employés de l’Université de Moncton. Les futurs médecins sont des étudiants de l’Université de Sherbrooke pour leur formation, mais ont aussi le statut d’étudiants de l’Université de Moncton et ont droit à tous les services.
Le Centre de Moncton fait des émules
Le programme de médecine délocalisée à Moncton a suscité l’envie avant même sa mise en marche.
Quand la communauté médicale anglophone du Nouveau-Brunswick a constaté ce que Moncton allait obtenir, elle a demandé la création d’un programme similaire pour rapatrier les étudiants de la province qui faisaient leurs études de médecine à l’Université de Dalhousie, à Halifax. Un centre de formation un peu différent de celui de Moncton a ainsi vu le jour à Saint-Jean en 2014, encadré par l’Université de Dalhousie.
Depuis, le modèle délocalisé s’est répandu partout au Canada, avec près d’une vingtaine de centres de formation médicale. Récemment, on apprenait que l’Île-du-Prince-Édouard allait former ses propres médecins dès 2023, en partenariat avec l’Université Memorial de Terre-Neuve.