L’objectif de la recherche — menée par l’ancienne étudiante à la maitrise en orthophonie Carly Bélanger et supervisée par la professeure du programme d’orthophonie de l’Université Laurentienne, Michèle Minor-Corriveau — n’était pas nécessairement de soulever les problèmes d’Antidote, mais plutôt de confirmer qu’il s’agit d’un outil efficace pour l’aide à la rédaction.
De plus, peu d’analyses du genre ont été faites et encore moins avec des participants provenant de milieux francophones minoritaires.
L’article rédigé pour présenter la recherche est actuellement en révision.
Pour la recherche, elles ont utilisé le test Pour un apprentissage raisonné de l’orthographe syntaxique (PAROS), qui propose des phrases simples qui permettent de vérifier plusieurs compétences précises sur l’orthographe et de la syntaxe.
Vingt adultes qui ont une éducation de niveau postsecondaire ont écrit 150 phrases contenant 1110 mots. Ils ont tous utilisé le même ordinateur pour assurer qu’Antidote 9 — la dernière version disponible lorsque l’étude a commencé — ait les mêmes paramètres pour tout le monde.
Résultats positifs
Deux versions de chaque dictée étaient analysées par la chercheuse : la première rédaction du participant puis la version après qu’il ou elle ait vérifié son texte avec Antidote.
Le correcticiel (logiciel de correction) a principalement permis de réduire l’écart. Dans la première rédaction, le plus petit nombre d’erreurs était de neuf et le plus grand, de 379 sur les 1110 mots.
Après la correction avec Antidote 9, ces deux données étaient 21 et 181. Donc, le logiciel a permis de diminuer les erreurs de 52,23 % pour ceux qui avaient plus de difficulté, mais il a aussi induit en erreur ceux qui avaient un meilleur résultat initial.
Lorsqu’Antidote propose plusieurs options de correction, «tu peux seulement faire ce choix-là et tomber sur la bonne réponse quand tu as des connaissances», précise la professeure.
«Même si Antidote peut éliminer plusieurs coquilles, ça prend quand même une relecture humaine si on veut vraiment éliminer toutes les petites coquilles qui peuvent se glisser dans l’écriture», note-t-elle. L’entreprise qui programme Antidote, Druide, fournit le même avertissement.
L’utilisation correcte du logiciel demande donc aussi un certain entrainement et ne remplace pas le besoin de bien enseigner la langue.
Michèle Minor-Corriveau se demande tout de même si l’introduction de certains paramètres permettrait d’utiliser Antidote comme outil d’enseignement du français après que certaines notions aient été acquises.
L’utilisation même d’Antidote est un apprentissage; les utilisateurs gagnent en efficacité et rapidité au fil du temps.
«On est en train de travailler sur un encadrement qui permettrait aux enseignantes de savoir au niveau du lexique, de la syntaxe, des graphèmes… dans quel ordre est-ce que je dois procéder et à quel moment c’est bien de l’introduire», ajoute la professeure Minor-Corriveau.
Quelques exemples moins positifs
L’analyse plus poussée des corrections proposées par Antidote a permis de relever les circonstances où le logiciel était moins efficace. Son point fort se trouve dans les accords en genre et en nombre des noms et des verbes.
En revanche, le logiciel a plus de difficulté à proposer les bonnes corrections pour les mots-outils, c’est-à-dire les prépositions qui relient les énoncés d’une phrase — il y en a trop pour en faire la liste.
Il a aussi de la difficulté à reconnaitre des mots mal orthographiés. Si la graphie est trop éloignée du mot souhaité, Antidote n’est pas capable de proposer le bon mot.
Michèle Minor-Corriveau l’illustre avec le mot « clowns ». Bon nombre de personnes l’ont écrit “clounes”. Au niveau phonologique, ça fait [le même son], il n’y pas d’autre façon de lire ce mot-là. Antidote est pourtant capable de générer l’alphabet phonétique international.»
Pourtant, il ne semblait pas faire le lien. Comme suggestion de correction, Antidote donnait plutôt le mot «clone».
Elles ont ainsi noté que le correcticiel semble avoir plus de difficulté lorsqu’un mot semble emprunté d’une autre langue ou en être un dérivé. La liste d’erreurs fournie avec l’étude contient plusieurs exemples où Antidote reconnaissait un mot comme étant probablement erroné, mais où il était incapable de fournir le bon mot pour le remplacer.
Les exemples incluent Mama (maman), pais (pays), post (poste), sajit (s’agit), forest et forêst (forêt et suggérait que «forest» était un nom propre), lampadeurs (lampadaires), rus (rue), anseitre (ancêtre)…
Les noms communs mal écrits auxquels on ajoute une majuscule en début de phrase sont aussi souvent perçus comme des noms propres.
Même si le tableau d’erreur inclus dans la recherche fait une quinzaine de pages, Michèle Minor-Corriveau se veut rassurante : la liste des bonnes suggestions faites par Antidote est beaucoup, beaucoup plus longue.
La professeure a bien l’intention de partager l’étude avec Druide.