«Si on regarde sur une carte, la probabilité que je quitte mon pays, qui est près de l’équateur, pour me rendre en Arctique était très, très faible. Mais là j’y suis et je suis très content!» lance Christian Ouaka.
Depuis son arrivée au Canada en 2013, il est également passé par Thunder Bay, dans le Nord de l’Ontario. Il y a occupé le poste d’agent de développement socioéconomique pour le Réseau de soutien à l’immigration francophone du Nord de l’Ontario (RSIFNO).
«Quand j’ai annoncé que je partais pour Iqaluit, un de mes amis a dit pour rigoler que j’étais en train de sortir de la Terre… J’étais à Moncton, je suis parti à Thunder Bay et maintenant je suis monté encore plus haut», se souvient en riant le jeune directeur de l’AFN.
Il a beau être né à Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire qui compte plus de quatre millions d’habitants, Christian Ouaka souligne qu’au Canada il a toujours préféré vivre dans de plus petites villes, comme Iqaluit.
«J’ai toujours voulu découvrir l’Arctique parce que c’est quand même une région spéciale ; il fait froid, le soleil se couche tard, il y a des animaux qu’on ne voit pas dans le Sud […] Je me suis juste dit qu’il me fallait un autre manteau et je suis allé l’acheter!»
Un choix qu’il ne regrette aucunement après un premier hiver dans le Nord :
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L’audace comme mot d’ordre
Outre la température, Christian Ouaka se souvient d’avoir été surpris par l’architecture canadienne lorsqu’il est arrivé au Nouveau-Brunswick en 2013 : «En Côte d’Ivoire, presque toutes les maisons sont en brique et en béton, alors qu’ici c’est très rare de voir des maisons en béton ; ce sont plutôt les immeubles qui le sont.»
Il a également dû s’adapter à la langue de la région et particulièrement au chiac, qu’il «ne comprenait pas du tout!».
«Quand j’étais en première année de sciences politiques, j’avais un cours d’économie et le professeur, dans les démonstrations, parlait de s’acheter un char. Dans mon pays, le char c’est un engin de guerre, un engin militaire! Ensuite j’ai compris qu’il parlait d’une voiture», se remémore Christian en riant.
C’est la visite d’un représentant de l’Université de Moncton à son école secondaire, en Côte d’Ivoire, qui a convaincu le jeune homme de traverser l’océan Atlantique pour poursuivre ses études. «J’ai choisi sciences politiques, mais en fait je ne savais pas vraiment ce que c’était en tant que tel… J’ai juste vu le mot “politique” et j’ai toujours aimé la politique!» se souvient Christian.
De fil en aiguille, le jeune étudiant d’alors a finalement décidé d’opter pour une majeure en sciences politiques, accompagnée d’une autre majeure en relations publiques. «Je devais terminer en cinq ans, mais j’ai terminé en quatre ans et mon père m’a demandé ce que je voulais faire. Comme j’étais encore jeune et que j’avais reçu une invitation pour continuer à la maitrise, j’ai opté pour ça!» relate encore celui qui a changé de branche pour se diriger en administration des affaires.
Trouver un emploi n’a toutefois pas été si facile à Moncton. Au cours de ses études, Christian Ouaka a cumulé plusieurs petits boulots : homme de chambre dans un hôtel, assistant d’un professeur à l’université et travailleur dans une usine de crabe à Cap-Pelé – pas facile pour celui qui est allergique aux fruits de mer!
Après avoir terminé sa maitrise, il a occupé pendant un an un poste d’éducateur en petite enfance à Moncton avant de se décider à quitter la région pour obtenir un emploi dans son domaine, à Thunder Bay.
C’est également ce qu’il recommanderait aux étudiants internationaux qui terminent leurs études :
«Je me suis dit que s’il fallait aller à l’autre bout du monde pour avoir ce que je voulais, j’allais y aller, et quelque part, c’est un peu ce qui s’est passé!» ajoute-t-il en riant.
Une communauté multiculturelle tissée serrée
Aujourd’hui, Christian Ouaka se dit surtout «très reconnaissant» d’être là où il est.
«Ce que j’ai pu accomplir, je ne l’ai pas accompli tout seul, ça a été grâce au concours de beaucoup de personnes. Je ne veux pas non plus m’assoir sur mes lauriers : c’est vrai que je suis jeune et que je suis directeur, mais du jour au lendemain ça peut changer et il faut toujours avoir la tête sur les épaules, ne pas devenir prétentieux ou arrogant», philosophe-t-il.
«C’est une chose que je dis toujours à mes sœurs et à mes parents ; que si je commence à changer de personnalité ou de comportement, qu’ils me grondent un peu parce que je n’ai pas du tout envie de changer qui je suis! Je préfère rester le Christian qu’on a toujours connu», ajoute le directeur de l’AFN.
Il s’enthousiasme des nombreux projets en branle à l’Association, qui fête cette année son 40e anniversaire.
«Il y a la Maison de la francophonie qui est un gros projet, dont le but serait de réunir sous un même toit tous les organismes francophones d’Iqaluit. En dehors de ça, il y a aussi le rayonnement de la francophonie au Nunavut, parce que très souvent les francophones en situation minoritaire sont comme mis à l’écart, un peu oubliés, donc il faut montrer que la francophonie est bien vivante au Nunavut et qu’elle rayonne à travers sa communauté!» souligne Christian Ouaka.
Celui qui a grandi «dans un pays où les liens sociaux sont très forts» a retrouvé avec plaisir ce sentiment à Iqaluit, notamment au sein de la communauté francophone qui compte plus de 1000 locuteurs selon le recensement de 2016.
À titre personnel, il a pour projet d’inviter sa famille à le visiter «lorsqu’il fera moins froid» et que la pandémie le permettra, dans un ou deux ans : «Je veux qu’ils découvrent un peu l’autre extrême, parce qu’en Côte d’Ivoire, c’est toujours des températures au-dessus de 25 °C!»
Depuis qu’il est arrivé au Canada, Christian est retourné à seulement deux reprises dans son pays d’origine, en 2014 et en 2018. Cette année, il a bon espoir de pouvoir rentrer pour passer Noël avec sa famille : «Ça serait mon premier Noël avec eux depuis huit ans.»
Christian a également déposé en mars dernier sa demande de résidence permanente, via le programme Entrée express – expérience canadienne. Il prévoit que sa demande de citoyenneté canadienne suivra dès que possible, puisqu’il compte bien rester au moins un autre dix ans!
Au travers des incertitudes liées à la pandémie, certaines histoires ressortent comme autant de bouffées d’air et d’espoir. C’est notamment le cas de nombreux francophones qui ont choisi le Canada comme terre d’accueil, il y a de cela quelques mois ou des années. Chaque samedi, Francopresse vous présente quelques-unes de leurs histoires d’immigration, un clin d’œil à la vie qui continue même quand tout le reste s’arrête.