À l’automne 2020, l’AFO a sondé les Franco-Ontariens et les Québécois en vue du Sommet sur le rapprochement des francophonies canadiennes qui débute la semaine prochaine. Le sondage, mené auprès de 1123 répondants, vise à atteindre deux buts pour l’AFO : bâtir sa proposition de relation renouvelée avec le Québec et mettre en lumière les propositions formulées par certains chercheurs auprès des populations interrogées.
Les résultats de ce sondage, présentés lors de deux webinaires mercredi et jeudi, ont nourri un mémoire qui sera remis aux coorganisateurs du Sommet : la ministre québécoise responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Sonia LeBel, et le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Jean Johnson.
Selon le mémoire de l’AFO, environ 210 000 personnes vivent dans l’une des deux provinces, mais sont nées dans l’autre. Selon des données de Statistique Canada de 2016, 1,4 % des francophones vivant au Québec sont nés en Ontario alors que 20,5 % des francophones vivant en Ontario sont nés au Québec.
Trois tendances majeures
Dans le sondage de l’AFO, les variables démographiques estiment que pour chacun des sous-groupes, les intervalles de confiances sont à 95 %. Un volume de réponses qui réduit la marge d’erreur à 5 %, ont précisé les experts.
Parmi la cinquantaine d’énoncés du sondage, trois grandes priorités semblent émerger :
- La normalisation et l’augmentation de la mobilité entre francophones dans les deux provinces
- Le besoin d’une sensibilisation accrue à la réalité franco-canadienne et à la langue française
- L’Intensification des relations politiques entre francophones
Les points les plus impopulaires entre Franco-Ontariens et Québécois
Voici les trois idées qui ont recueilli le moins d’avis favorables :
Une mauvaise connaissance de l’autre réalité?
Dans les résultats du sondage, une très forte majorité des répondants croit que les Québécois connaissent mal la réalité des Franco-Ontariens (à peine 8 % des Franco-Ontariens pensent le contraire).
«Malheureusement, il n’y avait pas de question pour indiquer si les Franco-Ontariens connaissaient mal la réalité des Québécois», a déploré Stéphanie Chouinard, professeure de sciences politiques au Collège militaire royal et à l’Université Queen’s, à Kingston en Ontario, invitée à commenter le sondage lors du premier webinaire.
Elle précise cependant que le sondage a mis de l’avant des «pistes intéressantes de réflexion et d’action tant pour l’AFO que pour le gouvernement du Québec dans le développement de rapports bilatéraux plus sains et ce, tant du point de vue culturel que politique».
Le sondage de l’AFO montre que le Québec, tout comme l’Ontario, veut être une communauté d’accueil pour l’autre (93 % en faveur du côté de l’Ontario et 96 % du côté québécois). La politologue Stéphanie Chouinard n’y a pas vu de surprise «[car] bon nombre de familles franco-ontariennes ont des racines ancestrales et ont parfois encore de la famille au Québec.»
Observations sur les flux migratoires interprovinciaux
Selon Martin Pâquet, historien politique et professeur titulaire de la CEFAN à l’Université Laval invité à commenter le sondage lors des webinaires de l’AFO, il existe deux types de migrations entre Québec et Ontario français : une de maintien et une de rupture.
«Dans le cas de quelqu’un qui quitte le Québec et qui va à Toronto, il est rare que le point de chute devienne immédiatement celui où [il] désire demeurer, car [ses] rêves sont ailleurs», analyse le professeur Pâquet.
Il y oppose la migration de rupture, fondée sur l’espace dans lequel une personne investit dans ses rêves. Un phénomène qui se passe souvent à «la deuxième génération».
Entre Ontario et Québec, le professeur a observé que les Franco-Ontariens et les Québécois connaissent davantage une migration de maintien.
Vu les relations de voisinage entre le Québec et l’Ontario, il y aurait ainsi tout intérêt à dégager des relations de bonnes ententes et «cela transparait dans les réponses [du sondage]», souligne Martin Pâquet. «Si on faisait ce même sondage avec des Franco-Colombiens, vu la distance territoriale, ce serait moins fort.»
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Prendre les résultats avec «un petit grain de sel»
Stéphanie Chouinard, s’est d’abord dite «un peu déçue qu’une si petite partie des répondants soient des Québécois [149 personnes qui habitent au Québec contre 969 qui résident en Ontario] qui ne sont pas d’anciens Franco-Ontariens, ou qui n’ont pas de famille en Ontario français : donc des Québécois qui, à priori, n’ont pas d’intérêt personnel envers l’Ontario français. Il faut prendre ce sondage avec un petit grain de sel».
La professeure note aussi n’a pas rejoint une grande proportion de Québécois [13 %]. «En contrepartie, la proportion des Franco-Ontariens [86 %] qui a répondu est démesurée, par rapport à leur poids démographique.»
Elle a aussi souligné le fait que l’échantillon n’était «pas si élargi», notamment au niveau des données individuelles qui se sont beaucoup concentrées sur la géographie et l’âge.
Un point auquel le professeur Martin Pâquet ajoute une autre limite : la ventilation de l’échantillon dans le sondage. «On présume que l’ensemble des Franco-Ontariens et l’ensemble des Québécois ont une position commune. […] C’est beaucoup plus complexe.»
Pour lui, la représentation que se font donc les émigrés de l’une ou l’autre des provinces sera basée sur la région d’où ils arrivent. La personne n’aura donc qu’un aperçu de ce que peut être la réalité franco-ontarienne dans son ensemble, toujours selon le professeur.
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