Francopresse : Pouvez-vous expliquer quel est le projet et en quoi il consiste?
Stephanie Arnott : Le projet est intitulé Détermination des exigences et des lacunes dans la formation des enseignants de français langue seconde (FLS) : recommandations et lignes directrices. Le Consortium de formation des enseignants en FLS, qui mène ce projet, est composé de l’ACPLS et d’experts des universités d’Ottawa, de la Colombie-Britannique et du Nouveau-Brunswick.
L’objectif final est de faire des recommandations à la suite du sondage pour identifier les lacunes dans la formation et le développement des enseignants de FLS. Ces recommandations pourraient s’appliquer à un niveau national, mais aussi à un niveau «contextualisé» ; c’est la raison pour laquelle il y aura un aperçu par provinces et territoires.
Le sondage cible trois groupes à travers le pays : les représentants des facultés d’éducation, ceux des conseils scolaires et les enseignants de FLS, mais uniquement ceux qui sont dans leurs cinq premières années d’exercice.
À court terme, on effectue la recherche que [Patrimoine canadien] nous a demandé de réaliser, dans le cadre de sa Stratégie de recrutement et de rétention d’enseignants dans les programmes d’immersion et de français langue seconde.
À long terme, on essaie de créer une communauté pour résoudre le défi de la pénurie au niveau national. On veut donner un point de départ avec des données récentes et avec les voix des enseignants et des représentants des conseils scolaires anglophones.
Comment se coordonne le travail entre les trois universités?
Nous souhaitons créer une collaboration nationale. Nous avons divisé le travail entre ces trois universités, car chacune s’occupe de sa région du pays. L’Université de la Colombie-Britannique s’occupe de l’Ouest ; celle d’Ottawa du centre et celle du Nouveau-Brunswick de l’Est.
Nous nous rencontrons deux fois par mois et travaillons dans nos propres régions, où nous créons des groupes de discussion avec les représentants des conseils scolaires, ceux des facultés d’éducation et les enseignants de FLS.
On essaie de le faire aussi par province et territoire, vu que l’éducation est organisée selon ce découpage.
Nous avons rencontré certaines difficultés pour trouver des gens qui aient le soutien de leur conseil scolaire pour participer au sondage, car ce n’est pas vu comme une tâche [essentielle] de leur poste, alors c’est à nous d’essayer de travailler avec leurs horaires.
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Où en est le projet actuellement?
On en est à la collecte de données. Nous cherchons à atteindre le plus de nouveaux professeurs de FLS possible à travers le sondage, ainsi que des représentants de conseils scolaires.
En parallèle au sondage, nous avons mis en place des groupes de discussion de nouveaux enseignants en FLS, d’anciens qui partagent leurs expériences et de représentants de conseils scolaires et des facultés d’éducation.
Une discussion a retenu notre attention récemment. Elle portait sur la rétention et le recrutement. Nous discutions des données préliminaires à travers le pays et nous avons noté que les participants à notre étude parlaient davantage de la rétention en tant que mécanisme de recrutement.
[Alors que] si on travaille la rétention, ça va aider avec le recrutement, puisque ça améliorera les conditions de travail des enseignants, ce qui va peut-être motiver les élèves à apprendre le français.
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Le rôle des groupes de discussion
Les questions posées lors des groupes de discussion sont les résultats d’une analyse préliminaire des données du sondage. Stephanie Arnott précise que pour les chercheurs, les groupes de discussion fonctionnent comme un complément du sondage.
Ils se concentrent sur les compétences langagières, les connaissances pédagogiques et le mentorat, des thèmes qui sont ressortis d’une analyse préliminaire du sondage.
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Quels autres retours avez-vous eus de la part des nouveaux enseignants en FLS jusqu’à présent?
Lors des groupes de discussion, nos participants racontaient qu’ils créaient leurs propres mécanismes de survie en s’appuyant sur leurs conditions de travail, en rappelant qu’ils sont marginalisés et que c’est très difficile de maintenir une carrière en FLS plus de cinq ans.
Ils ont précisé que le mentor de FLS ne doit pas se contenter de survivre, mais essayer de changer le système. Avec notre recherche, on veut porter la voix des participants qui vivent cela et mettre l’accent sur la rétention.
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Selon vos observations, la pénurie d’enseignants de FLS en 2021 est-elle due au manque de moyens financiers ou d’outils?
Par rapport au manque de moyens, c’est évident qu’il n’y a pas assez d’enseignants. Il y a un défi de formation, de développement professionnel, de rétention. Il y a des professeurs qualifiés pour enseigner en français, mais ils ne le font pas, car il y a eu une occasion d’enseigner un autre sujet, dans une autre école, ou bien il y a des défis systématiques lors de l’embauche.
Et je ne crois pas que ce soit un manque d’outils. Ce qui ressort des recherches depuis des années, c’est que les enseignants de FLS ont des ressources en français, mais qu’elles ne sont pas adaptées aux élèves qui apprennent la langue.
Par exemple, pour une enseignante en immersion française qui enseigne la géographie, y a-t-il une ressource qu’elle n’a pas besoin de traduire en français ou d’adapter pour les apprenants de la langue?
Certains pensent qu’il faut trouver une ressource en français produite au Québec ou en France, mais ce n’est pas vraiment ciblé pour les apprenants de la langue. L’outil est là, mais il faut qu’on le cible pour qu’il réponde à la réalité des apprenants. C’est l’une des préoccupations auxquelles on veut répondre à travers cette recherche.