Questionné en conférence de presse le 13 avril, le premier ministre, Justin Trudeau, s’est dit «très préoccupé par la situation à l’Université Laurentienne […] Le gouvernement fédéral sera là pour aider, mais c’est au gouvernement provincial d’établir la marche à suivre. Mais on va être là comme on a été là comme on a été là pour l’Université de l’Ontario français il y a quelques années. On va être là».
La situation de l’Université Laurentienne a aussi été soulevée par le néodémocrate Charlie Angus à la période de questions de la Chambre des communes, mardi : «L’Université Laurentienne est la seule institution nationale avec un mandat de promouvoir l’éducation francophone, autochtone et anglophone […] Pourquoi les libéraux sont-ils silencieux maintenant? Où est le plan pour travailler avec la communauté franco-ontarienne pour préserver et protéger cette institution vitale?» a-t-il questionné.
La ministre des Langues officielles, Mélanie Joly, a répondu que «ce qui se passe présentement à l’Université Laurentienne, pour la communauté francophone, est particulièrement préoccupant […] C’est également pourquoi j’ai eu des conversations avec le gouvernement de l’Ontario, parce que j’exige un plan de la part du gouvernement ontarien pour faire en sorte qu’on ait une institution postsecondaire forte dans le Nord de l’Ontario».
Lors de son témoignage devant le Comité permanent des langues officielles (LANG) de la Chambre, toujours le mardi 13 avril, Mélanie Joly a ajouté «qu’il y avait de l’argent sur la table» pour l’Université Laurentienne, mais que le gouvernement de l’Ontario devait «faire ses devoirs».
La Chambre a aussi adopté mardi, à l’unanimité, une motion du député bloquiste de La Pointe-de-l’Île, Mario Beaulieu, exprimant inquiétude face à la situation à l’Université Laurentienne et solidarité avec la communauté franco-ontarienne.
L’opposition s’attend à plus
Pour Alain Rayes, député de Richmond—Arthabaska et porte-parole du Parti conservateur sur les langues officielles, la ministre Joly ne devrait pas attendre une demande d’assistance de l’Ontario, puisque la Constitution confère la responsabilité au gouvernement fédéral de s’assurer que les communautés linguistiques en situation minoritaire ont accès à des services.
Alain Rayes rappelle que le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, s’est engagé à créer une enveloppe budgétaire pour appuyer l’éducation postsecondaire francophone en situation minoritaire.
Alexandre Boulerice, député néodémocrate de Rosemont—La Petite-Patrie et chef adjoint du Nouveau Parti démocratique (NPD), ajoute qu’Ottawa «n’a pas besoin d’attendre que l’autre palier de gouvernement mette un sou».
«On est vraiment très inquiets de ce qui est là et on ne veut pas qu’elle [Mélanie Joly] se contente de surveiller la situation. On veut qu’elle soit beaucoup plus proactive et qu’elle utilise les leviers qui existent au gouvernement fédéral pour être capable d’aider des universités ou des groupes en situation minoritaire», soutient Alexandre Boulerice.
«C’est sûr que le premier responsable, c’est le gouvernement ontarien, convient le député néodémocrate. Mais ensuite, le gouvernement fédéral n’a pas à se croiser les bras, il a une responsabilité.»
«Le canari dans la mine»
Alain Rayes observe qu’une partie du problème se trouve dans le retard du gouvernement dans la modernisation de la Loi sur les langues officielles, qui l’aurait doté de plus de moyens pour aider les communautés francophones partout au Canada.
Mario Beaulieu, porte-parole du Bloc québécois sur les langues officielles, souligne pour sa part que le gouvernement fédéral doit impérativement s’entendre avec la province pour sauvegarder les programmes d’éducation postsecondaires francophones en Ontario.
Le député bloquiste rappelle qu’Ottawa s’est déjà entendu avec Queen’s Park par le passé, dans le cas de l’Université de l’Ontario français à Toronto : «On considère que les communautés francophones ne peuvent pas perdre de programmes universitaires, ça va contribuer à l’anglicisation parce qu’ils sont vraiment pris à la gorge», affirme Mario Beaulieu.
Pour Alexandre Boulerice, du NPD, Ottawa doit agir immédiatement pour trouver une sortie de crise. «Mais en même temps, je pense que ça pourrait se régler à plus long terme dans des conférences fédérales-provinciales. [Il] pourrait y avoir des ententes fédérales-provinciales pour avoir certaines balises ou un certain minimum à respecter», suggère-t-il.
Il ajoute que le NPD a l’intention de déposer ce jeudi une motion devant le Comité permanent des langues officielles pour demander une étude d’urgence sur la situation à l’Université Laurentienne et dans les autres universités francophones au Canada.
Le député de Rosemont—La Petite-Patrie estime que le gouvernement fédéral a une «double responsabilité» : pour l’éducation postsecondaire et pour les communautés linguistiques en situation minoritaire.
«Le sous-financement chronique des universités fait en sorte que la Laurentienne est peut-être le canari dans la mine, parce qu’on parle que c’est la première d’une débandade [et] en plus, ça touche des communautés francophones, ce qui est d’autant plus dramatique», conclut Alexandre Boulerice.
Pour Mario Beaulieu, «le Canada se vante d’être un pays exemplaire pour le respect des minorités linguistiques, mais c’est très loin de la réalité. Le taux d’assimilation des francophones hors Québec est présentement inquiétant et augmente chaque année».