À l’occasion de cette présentation virtuelle organisée pour les médias français et étrangers, Sylvie Marcé et sa commissaire adjointe, Judith Roze, ont aussi présenté une série de tables rondes et d’ateliers virtuels tenus au fil du mois d’avril autour du livre francophone.
Réunis sous l’appellation des Rendez-vous numériques du livre en langue française dans le monde, ces échanges virtuels destinés aux professionnels du secteur sont organisés en prélude aux États généraux de Tunis, lesquels se dérouleront les 23 et 24 septembre 2021 sous l’égide de l’Institut français.
L’enjeu de ces discussions est de développer l’accès à la lecture, mais aussi de voir comment «lever les freins» à la production, la diffusion et la circulation des œuvres littéraires.
Une dizaine d’observateurs du milieu de l’édition, des représentants de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et des pays ou entités participant à l’organisation des EGLLFM — le Québec, la Suisse, la Tunisie, la Belgique — ont participé à cette conférence de presse, mercredi.
La présentation a aussi été l’occasion de dévoiler l’existence du Réseau numérique des acteurs, qui se veut la première plateforme mondiale de référencement des professionnels du livre en langue française.
Cet outil réalisé sous l’égide de l’OIF facilitera le réseautage et les partenariats entre éditeur, librairies, bibliothèques et organismes, estime Alexandre Wolff, responsable de l’Observatoire de la langue française à l’OIF. La plateforme donnera par exemple des informations détaillées sur chaque profil, notamment «ses publics et ses choix éditoriaux». Un moteur de recherches viendra faciliter la navigation.
Cet «outil formidable» sera accessible en mai, a précisé Sylvie Marcé. Quelque 13 000 entrées y sont déjà répertoriées, souligne le responsable, en encourageant les professionnels du livre à s’enregistrer «pour que ce réseau puisse vivre et être utile».
Car le premier enjeu de l’industrie semble résider là, dans la participation active du milieu du livre et sa capacité à fédérer globalement ses énergies, au-delà des strictes règles commerciales et des freins liés aux droits de diffusion, ont martelé à leur façon les divers intervenants de cette rencontre.
Réorganiser l’espace littéraire
Ces États généraux n’ont de sens que s’ils parviennent à «fédérer l’ensemble des acteurs de la chaine du livre», en incluant tous ceux qui la peuvent la soutenir, à commencer par les entités politiques, a martelé la commissaire Marcé.
En 2019, le marché du livre francophone représentait des revenus estimés à 5 milliards d’euros (pour un total de 108 000 emplois sur l’ensemble de la chaine), mais ne pesait que 5 % du marché mondial de l’édition, selon les chiffres partagés par l’aréopage réuni mercredi.
Ce marché francophone est en réalité déséquilibré, «très concentré» dans trois zones : la France, le Québec et la Belgique, soulève la commissaire. Ces trois ensembles géographiques constituent à eux seuls 95 % du marché francophone, les pays africains se partageant le maigre 5 % qu’il reste. Ce pourcentage est ventilé comme suit : 85 % pour la France ; 6 % pour le Québec et 4 % pour la Belgique.
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Des chiffres qui font dire à Judith Roze qu’il est essentiel de mieux «faire rayonner une langue qui n’est plus l’apanage» de la France.
Selon elle, il est grand temps de «décloisonner» les acteurs du livre et de mieux «fédérer l’espace littéraire, intellectuel et éditorial francophone», afin de «favoriser un secteur éditorial équilibré». Sans oublier d’intégrer en chemin «les possibilités offertes par le numérique», ajoute-t-elle.
La «priorité absolue doit être de donner accès à la lecture (…) au plus grand nombre», et notamment aux jeunes, a abondé Pierre Vanderstappen, responsable de la programmation littéraire pour le Centre Wallonie-Bruxelles, situé à Paris. Il est tout aussi indispensable de veiller «à une meilleure circulation [du livre] dans la sphère francophone» et de réfléchir au statut de l’auteur.
Ateliers pour les professionnels de l’édition
«La juste rémunération des différents acteurs de la chaine du livre» constitue un autre enjeu fondamental qu’aborderont les rencontres à venir, signale la directrice de la langue française et de la diversité des cultures francophones de l’OIF, Nivine Khaled. L’OIF, ajoute-t-elle, entend bien redonner au français ses lettres de noblesse, pour en faire «une langue de succès» autant qu’une «langue de travail».
Les EGLLFM de septembre — tout comme les ateliers virtuels organisés la semaine prochaine (du 19 au 23 avril) à l’intention des professionnels — se pencheront sur certains des constats et enjeux identifiés par les experts et organisateurs du sommet de Tunis.
Ce qui en ressortira permettra d’établir des stratégies et de «structurer» le «cahier de propositions» qui seront présentées lors de ces états généraux de septembre. Quelque 200 acteurs du livre ont déjà planché sur ce cahier, laisse entendre Sylvie Marcé.
Étude analytique et projections
Une étude analytique globale permettant d’échafauder divers «scénarios» à moyen et à long terme (aux horizons 2020 et 2030) a été commandée en prévision de la rencontre de Tunis, où seront dévoilées six de ces «projections» modélisées.
Le grand public pourra consulter l’intégralité de cette étude, qui sera disponible en septembre sur le site de l’Institut français.
L’ambition des EGLLFM est donc tout à la fois «politique, économique, culturelle et éducative». Toutes ces initiatives sont cimentées par l’envie, commune aux partenaires de la chaine du livre, d’en arriver à «une prise de conscience générale […] en prévision de Tunis», soutient la commissaire Sylvie Marcé, qui au-delà de l’élaboration de «stratégies concertées», espère aussi «provoquer un électrochoc».