Le projet de loi C-32 est le fruit d’un long processus de consultation d’un bout à l’autre du pays. Il s’agit d’une réforme réfléchie et qui répond en grande partie aux demandes des représentants des communautés francophones, comme en témoignent les réactions généralement très positives à celle-ci.
Les gains sont multiples : des pouvoirs accrus pour le commissaire aux langues officielles, l’obligation d’adopter une politique en matière d’immigration francophone, le renforcement du continuum en éducation de la petite enfance jusqu’aux études postsecondaires, la reconnaissance du statut particulier du français au Canada, etc.
Plusieurs de ces modifications ouvrent la voie à des investissements supplémentaires dans des domaines névralgiques à la vitalité des communautés dans le prochain Plan d’action pour les langues officielles – le plan actuel devant arriver à échéance en 2023.
Les communautés ont été entendues
Le projet de loi ne concerne qu’une partie des propositions présentées dans le document de réforme Français et anglais : Vers une égalité réelle des langues officielles au Canada.
Il est prévu que plusieurs autres propositions règlementaires et administratives viennent compléter cette réforme législative.
À titre d’illustration, le document présenté en février prévoit d’inclure au plan d’action un important volet concernant la politique d’immigration francophone du Canada.
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Par exemple, après le dépôt du document de travail en février dernier, la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) a déploré que la réforme envisagée ne prévoie pas de reconnaitre la spécificité de la seule province officiellement bilingue au pays. Un ajout à cet effet a été apporté au projet de loi déposé le 15 juin dernier.
Une ombre au portrait : un projet qui n’est pas près d’être mené à terme
Le dévoilement de ce projet ambitieux est toutefois reçu avec des sentiments mitigés, ayant été déposé la semaine précédant la fin de la session parlementaire à Ottawa.
Il s’est écoulé trois ans à une semaine près entre le moment où le premier ministre Trudeau s’est engagé à ce que son gouvernement modernise la Loi sur les langues officielles, le 6 juin 2018, et le dépôt d’un projet de loi en bonne et due forme le 15 juin dernier.
Après cette longue attente, cette réforme arrive sans aucun doute trop tard pour être adoptée par la présente législature.
Avec des élections anticipées de plus en plus probables vers la fin de l’été, ce projet de loi est destiné à mourir au feuilleton. Dans un scénario optimiste, on peut s’attendre au mieux à une Loi modernisée au courant de l’année 2022.
Il est dommage que le gouvernement Trudeau n’ait pas mis les bouchées doubles pour mener à terme ce dossier dans le présent mandat, en présentant un projet plus tôt dans l’année. Les conservateurs et les néodémocrates se disent en faveur à une telle réforme, ce qui aurait pu contribuer à accélérer le processus.
Les langues officielles, un enjeu électoral
Si campagne électorale il y a, l’équipe Trudeau devrait prendre l’engagement dans sa plateforme de déposer à nouveau ce projet dans sa forme actuelle dans les premières semaines d’un éventuel nouveau mandat. Les francophones ont déjà suffisamment fait preuve de patience dans ce dossier.
C’est donc dire qu’en 2019, les libéraux ont fait campagne auprès des francophones en promettant une réforme de la Loi sur les langues officielles ; que cette année, ils feront campagne sur le contenu de celle-ci ; et que s’ils mènent effectivement ce projet à terme, lors d’une prochaine élection dans quelques années, ils s’appuieront sur le fait de l’avoir réalisé. Jamais deux sans trois!
Les conservateurs et les néodémocrates devraient aussi prendre un engagement clair quant à leur volonté de mener à terme ce dossier dès le début de leur mandat advenant un changement de gouvernement. Au-delà des critiques, quoique légitimes, sur le moment du dépôt de ce projet, il serait intéressant de les entendre davantage sur son contenu.
Des consultations et des études ont déjà été menées, et la réforme proposée est solide et ancrée dans les réalités actuelles des communautés. Aucun besoin de redémarrer le processus, peu importe la couleur du prochain gouvernement.
Originaire de Kedgwick au Nouveau-Brunswick, Guillaume Deschênes-Thériault est doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa. Il détient un baccalauréat de l’Université de Moncton et une maitrise de l’Université d’Ottawa. Dans le cadre de ses recherches, il s’intéresse aux communautés francophones en situation minoritaire, avec un intérêt particulier pour l’enjeu de l’immigration. Depuis mai 2021, il est conseiller à la municipalité de Kedgwick.