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le Mardi 23 mars 2021 14:18 Actualité

Penser l’après-pandémie en français, svp

«Si des améliorations ne sont pas apportées, il est fort probable que lors d’une prochaine situation de crise, le Commissariat aux langues officielles devra encore une fois faire enquête et publier des recommandations similaires à celles déjà émises», écrit notre chroniqueur Guillaume Deschênes-Thériault. — Ericka Muzzo – Francopresse
«Si des améliorations ne sont pas apportées, il est fort probable que lors d’une prochaine situation de crise, le Commissariat aux langues officielles devra encore une fois faire enquête et publier des recommandations similaires à celles déjà émises», écrit notre chroniqueur Guillaume Deschênes-Thériault.
Ericka Muzzo – Francopresse
FRANCOPRESSE – Alors que la campagne de vaccination va bon train au Canada, l’heure pourrait bientôt être aux bilans pour les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. On peut espérer qu’ils y incluront des réflexions sur le respect des obligations linguistiques en situation d’urgence et sur les réalités particulières des communautés francophones en situation minoritaire.
Penser l’après-pandémie en français, svp
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Nous nous souviendrons que lors des premiers mois de la pandémie, Santé Canada avait éliminé temporairement l’obligation d’étiquetage bilingue sur les contenants de produits désinfectants, antiseptiques et nettoyants.

À la lumière des apprentissages de la dernière année, le gouvernement fédéral passera certainement en revue l’ensemble de ses protocoles quant à la gestion des situations de crise.

Une réflexion s’impose à savoir comment renforcer les protocoles formels quant aux communications en temps de crise pour que celles-ci respectent vraiment les dispositions prévues dans la Loi sur les langues officielles.

— Guillaume Deschênes-Thériault, chroniqueur Francopresse

Plus encore, il faut réfléchir à des façons de mieux sensibiliser les administrateurs généraux et les chefs des communications des institutions fédérales à leurs obligations linguistiques.

Des erreurs qui ont un air de déjà-vu

Le Commissariat aux langues officielles s’est penché sur la question. Les constats dressés dans son rapport d’octobre 2020 sur les incidences des situations d’urgence sur les langues officielles ont un air de déjà-vu.

À la suite de la fusillade d’Ottawa en 2014, la première alerte de sécurité, qui contenait un ordre de confinement, n’a été envoyée qu’en anglais. La version française a suivi plusieurs heures plus tard. Le passage de l’ouragan Dorian dans les provinces atlantiques en 2019 avait aussi été marqué par des communications unilingues de la part d’institutions fédérales.

Ces exemples illustrent que pour plusieurs, au sein de l’appareil fédéral, le français est considéré comme une langue dont il est possible de faire fi en situation d’urgence.

Or, c’est dans telles situations qu’il est plus que jamais nécessaire d’être en mesure de communiquer de manière claire et efficace dans les deux langues officielles. Il ne s’agit pas simplement d’une question de droits linguistiques, mais bien de sécurité et de santé publique.

— Guillaume Deschênes-Thériault, chroniqueur Francopresse

Il serait pourtant possible de prévoir au préalable des mécanismes de traduction accélérés ou de veiller à avoir les ressources en place pour rédiger en simultané un message dans chaque langue, envoyés un à la suite de l’autre sans délai supplémentaire.

Si des améliorations ne sont pas apportées, il est fort probable que lors d’une prochaine situation de crise, le Commissariat aux langues officielles devra encore une fois faire enquête et publier des recommandations similaires à celles déjà émises.

L’exemple des médias communautaires

Au-delà de la révision des protocoles d’urgence, la prochaine année sera aussi consacrée à la reprise économique du pays.

Plusieurs secteurs névralgiques pour la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire ont été durement touchés par les vagues de confinement au cours de la dernière année. Pour démontrer son sérieux quant à ses engagements en matière de langues officielles, le gouvernement fédéral devrait explicitement tenir compte des réalités particulières auxquelles font face des organisations qui œuvrent en contexte linguistique minoritaire, et adapter les mesures d’aide à leurs réalités.

Pour ne citer qu’un exemple, les médias communautaires d’un bout à l’autre du pays ont vu leurs revenus publicitaires chuter de manière abrupte au début de la pandémie. Avant même la crise sanitaire, ceux-ci étaient déjà confrontés à d’importants défis, notamment liés à la compétition avec les géants du Web.

Grands absents du plan de réforme pour les langues officielles présenté le mois dernier par la ministre Mélanie Joly, les médias communautaires jouent pourtant un rôle de premier plan à titre de source d’information fiable et juste en français à l’ère de la désinformation en ligne. Ils permettent aussi de soulever divers enjeux d’importance pour les communautés francophones locales dans l’espace public.

Aux dires de plusieurs intervenants, les mesures d’aide apportées en début de pandémie ne tenaient pas suffisamment compte de la réalité particulière des médias communautaires francophones. Celles pour l’après-pandémie devront remédier à ces lacunes.

À lire aussi : Les médias communautaires, grands oubliés de la réforme des langues officielles?

La vigilance sera de mise dans les provinces

Plusieurs provinces ont fait piètre figure en matière de communication en français dans leur gestion de la pandémie.

Le cas du Nouveau-Brunswick est particulièrement embarrassant pour la seule province officiellement bilingue au pays, où aucun porte-parole francophone gouvernemental n’a été identifié alors que le premier ministre Blaine Higgs est unilingue anglophone.

Lors d’éclosions dans des régions à forte majorité francophone, les informations étaient partagées majoritairement en anglais par le gouvernement, qui considérait respecter ses obligations en offrant un service d’interprétation.

Un sérieux examen de conscience est à effectuer dans cette province quant au degré de bilinguisme réel au sein du gouvernement.

— Guillaume Deschênes-Thériault, chroniqueur Francopresse

Le contexte est favorable à une telle réflexion puisque la Loi sur les langues officielles provinciale est en cours de révision.

Par ailleurs, dans les prochaines années, certaines provinces pourraient faire le choix d’adopter des politiques de restrictions budgétaires pour rééquilibrer les finances publiques.

Plusieurs exemples récents, dont le «jeudi noir» en Ontario et les coupes draconiennes dans le secteur postsecondaire en Alberta, qui ont eu un impact particulier sur le Campus Saint-Jean, rappellent comment les groupes minoritaires font parfois les frais de compressions budgétaires.

Les francophones doivent demeurer aux aguets.

Originaire de Kedgwick au Nouveau-Brunswick, Guillaume Deschênes-Thériault est doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa. Il détient un baccalauréat de l’Université de Moncton et une maitrise de l’Université d’Ottawa. Dans le cadre de ses recherches, il s’intéresse aux communautés francophones en situation minoritaire, avec un intérêt particulier pour l’enjeu de l’immigration.

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