Ça fait plus de 50 ans que nous, Canadiens français, sommes tombés dans le piège identitaire des indépendantistes.
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L’arnaque commence lors des États généraux du Canada français, de 1966 à 1969. Les souverainistes québécois y noyautent les discussions. Ils ont beau jeu, puisqu’il y a quelque 2 000 délégués du Québec et à peine 364 représentants des francophones des autres provinces.
La discussion s’envenime en 1969, lorsque l’assemblée adopte une résolution réclamant la rédaction d’une constitution québécoise et la convocation d’une assemblée constituante. La plupart des délégations du Canada français claquent la porte.
Les indépendantistes continuent alors d’implanter leur idéologie politique en moussant une nouvelle identité québécoise au détriment de l’identité canadienne-française. On voit apparaitre au Québec des slogans qui ne nous concernent pas, comme «On est six millions, faut se parler!».
On voit ensuite la création d’un Parti québécois, d’un Bloc québécois, d’une nation québécoise. Les médias francophones comme Le Devoir et même Radio-Canada — dois-je ici souligner le mot Canada — ne parlent plus que des Québécois.
Même les agences de publicité s’en mêlent en créant des annonces qui ne visent que le marché québécois. Dans ce parcours historique, nous, nous ne sommes rien, comme dans «Franco-Onta-rien».
Identités scindées
Témoins impuissants de la naissance d’une nouvelle identité québécoise, nous tombons alors dans le panneau. Au lieu de continuer à s’appeler Canadiens français, ce qui inclut tous les francophones du Canada, nous nous divisons en Franco-Ontariens, Franco-Albertains, Acadiens et autres identités provinciales.
Nous n’avions pas beaucoup le choix que de se donner ces nouvelles identités, mais ce fut un bris historique d’une importance capitale. Une cassure qui persiste.
Même notre regroupement national s’appelle la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA). Le nom même nous divise en communautés plurielles et distinctes.
Bien sûr, nos communautés sont différentes, mais nous devons créer une identité qui nous réunit si nous voulons nous épanouir dans ce pays!
Faut-il revenir à l’appellation Canadien français? Je n’en sais rien et je sais qu’un débat sur un nom est une expérience semée d’embuches. Il nous faut donc trouver d’autres moyens de bâtir une identité commune. Après 50 ans d’identités fragmentées, la tâche sera ardue, mais pas impossible.
Pour bâtir une identité nationale, nous devons briser ces silos qui nous différencient et nous isolent. Ce n’est qu’en nous connaissant mieux que nous briserons nos solitudes identitaires.
Commençons donc par les jeunes : ce sont eux qui, par besoin d’appartenance, parlent anglais dans nos écoles françaises. Pourquoi nos conseils scolaires ne parrainent-ils pas des rencontres Zoom entre différentes écoles du pays? Et pas juste une fois par année, non, non, des rencontres hebdomadaires, au programme d’études, pendant lesquelles les jeunes se parlent et apprennent à se connaitre.
Allons plus loin. Pourquoi nos associations ne financent-elles pas des programmes d’échanges scolaires entre les provinces? Imaginez que, pendant une année scolaire, cinq étudiants d’un programme d’arts ou de sciences de Moncton viennent étudier à Sudbury pendant que cinq étudiants de Sudbury vivent l’Acadie. Les Clubs Rotary le font entre différents pays, pourquoi ne le faisons-nous pas entre provinces?
Ceci n’est qu’une idée rapide. Mais il est clair que nous devrons inventer toutes sortes de moyens si nous voulons vraiment une identité canadienne-française. Il en va de notre poids politique et économique.