Le corridor Edmonton-Calgary est, pour Sébastien Gendron, cofondateur et directeur général de Transpod, synonyme d’opportunité technologique et économique pour le gouvernement albertain. Il est agréablement surpris par les avancées de ce projet qu’il porte à bout de bras avec son équipe depuis 2017.
«Le gouvernement provincial, par la voix de son ministre des transports, Ric McIver nous a facilité les démarches en signant ce protocole», explique-t-il.
Un protocole qui n’engage aucune dépense financière de la part du gouvernement, mais qui sécurise le corridor entre les deux villes et rassure les institutions financières qui voudraient se lancer dans l’aventure.
L’idée de développer une «hyperloop» laisse sceptique Joris Desmares-Decaux, directeur au Développement économique et service aux entreprises du conseil de développement économique de l’Alberta (CDÉA).
À la vue du plus récent budget provincial, l’avenir pourrait être morose pour la plupart des Albertains, explique Joris Desmares-Decaux.
Entre la pandémie et les compressions budgétaires, nous ne sommes pas sortis du bois! Pas certain que le transport de passagers à 1000 km/h entre Edmonton et Calgary va jouer un rôle essentiel dans la reprise économique.

Joris Desmares-Decaux côtoie au quotidien des entrepreneurs francophones en difficulté dans la province, et ce malgré la promesse de voir près de 38 000 emplois créés sur une décennie grâce à ce projet.
Le directeur général de Transpod est quant à lui optimiste. Il évoque les difficultés économiques de la province et la nécessité d’aller de l’avant vers une diversification des ressources. Il est d’ailleurs persuadé que l’Alberta pourrait devenir l’étendard du transport «hyperloop» et des nouvelles technologies. Un point de vue soutenu par Joris Desmares-Decaux.
La diversité économique sur le pas de la porte
«Nos industries fossiles sont à la fine pointe de la technologie, utilisons nos talents pour un tel projet, futuriste et durable. Aujourd’hui, il faut stimuler l’innovation, se diversifier. L’Alberta a les moyens de penser différemment», assure-t-il, tout en admettant l’importance de l’industrie pétrolière pour quelques années encore.
Il énumère notamment l’efficience de certains incubateurs de la province comme TEC Edmonton, Startup Edmonton ou NABI à Saint-Albert en insistant sur leur importance dans le futur paysage économique de l’Alberta.
Sébastien Gendron ne retient pas son optimisme à la suite de l’étude de faisabilité en cours et sa première phase prometteuse.
«La population, les institutions, et le gouvernement sont ici beaucoup plus réceptifs à ce projet», admet-il, en faisant référence à l’Ontario, province du siège social de Transpod. Il faut dire que le corridor Windsor-Québec via Toronto est depuis longtemps une «arlésienne» pour la population.
Si l’«hyperloop» promet de transporter les passagers et le fret entre Calgary, YYC, YEG et Edmonton en 30 minutes, il le fera grâce à l’énergie propre que l’infrastructure produira.
L’objectif est d’habiller entièrement la ligne de panneau solaire.
Sébastien Gendron assure d’ailleurs que la ligne produira plus d’énergie qu’il n’en faut, tout en supposant que celle-ci sera redistribuée aux réseaux électriques de la province.

La nécessité d’un tel projet
L’«hyperloop» est aujourd’hui un concurrent direct de l’aviation, explique l’ancien gestionnaire de projet en ingénierie pour Airbus et Bombardier, Sébastien Gendron.
Une certitude vacillante pour les prochaines années selon le directeur au Développement économique du CDÉA Joris Desmares-Decaux, qui n’hésite pas à citer le directeur général de Westjet, Edward Sims, selon qui «son plus grand concurrent aujourd’hui, c’est Zoom, la plateforme de vidéoconférence».
En effet, malgré l’intérêt qu’il montre pour un tel projet, il sait que les déplacements ne sont plus vraiment nécessaires à court terme.
«Le présentiel est devenu l’exception et il semblerait que de nombreuses entreprises se tournent vers un télétravail plus systématique à l’avenir», explique-t-il, sans pour autant l’apprécier.
Alors, quand on évoque la viabilité d’un tel projet, il suppose qu’à l’orée 2030-2035, date prévue de mise en circulation des capsules «pods», la clientèle d’affaires sera néanmoins au rendez-vous. Grâce aux champs magnétiques, le directeur général de Transpod est persuadé que ces capsules voyageront demain sans friction, «en lévitation stable au-dessus de la surface inférieure d’un tube».

Le directeur de Transpod, lui, insiste sur le transport de fret, aujourd’hui indissociable du projet et sur l’espoir d’obtenir «une garantie souveraine de la part du gouvernement albertain» afin de ne pas voir ce projet s’éteindre si le gouvernement change aux prochaines élections provinciales.
Finalement, Joris Desmares-Decaux sourit en admettant qu’il a hâte d’emprunter un jour ce moyen de transport ultrarapide qu’il a toujours imaginé entre les deux centres urbains, «en espérant voir se développer un réseau de transport en commun à la hauteur d’un tel changement!»