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le Vendredi 15 octobre 2021 11:42 Politique

Quelle place pour les francophones hors Québec après ces élections?

Le Parti libéral s’est engagé à faire adopter la modernisation de la Loi sur les langues officielles dans les 100 premiers jours de son mandat. De quoi réjouir, pour le moment, les francophones en situation minoritaire. — Renato Lorini - Flickr - CC BY-ND 2.0
Le Parti libéral s’est engagé à faire adopter la modernisation de la Loi sur les langues officielles dans les 100 premiers jours de son mandat. De quoi réjouir, pour le moment, les francophones en situation minoritaire.
Renato Lorini - Flickr - CC BY-ND 2.0
IJL LA LIBERTÉ (Manitoba) – Un nouveau gouvernement libéral minoritaire a été élu à la suite des élections du 20 septembre 2021. Le Parti libéral s’est engagé à faire adopter la modernisation de la Loi sur les langues officielles dans les 100 premiers jours de son mandat. De quoi réjouir, pour le moment, les francophones en situation minoritaire.
Quelle place pour les francophones hors Québec après ces élections?
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Rémi Léger, professeur associé pour le département de sciences politiques à l’Université Simon Fraser, dresse une esquisse de la place des francophones en situation minoritaire durant ces élections : «Il y a de bonnes nouvelles. Les principaux partis se sont tous engagés à moderniser la Loi sur les langues officielles, y compris les deux partis qui ont remporté le plus de sièges, les libéraux et les conservateurs. C’est de bon augure.»

Il poursuit : «Les libéraux et les conservateurs ont abordé la question de l’immigration francophone au Canada pour la stimuler. Et les libéraux, avant le déclenchement des élections, s’étaient engagés à verser 120 millions pour les institutions postsecondaires. Durant la campagne, à la surprise de tous et toutes, ils ont annoncé vouloir doubler ce montant.»

Pour lui, c’est la bonne nouvelle de la campagne : «les libéraux se sont mouillés pour les droits des francophones en situation minoritaire.»

Courtoisie

Malgré ces bonnes nouvelles, Rémi Léger soulève un enjeu qui a été très peu pointé durant la campagne électorale : «Il y a un défi qui est important pour la francophonie hors Québec. Je peux comprendre que ça ne fasse pas les manchettes. Mais quand le fédéral fait des transferts vers les provinces en santé ou dans d’autres domaines, il faut s’assurer qu’il y ait un pourcentage réservé pour les francophones. S’il n’y a pas une clause linguistique dans les transferts d’argent, ce qui arrive généralement, c’est qu’il y a peu ou pas d’argent qui est réservé pour les francophones.»

Pas les mêmes obligations

«À ce constat, les provinces répondent souvent qu’elles n’ont pas la même obligation envers les francophones que le fédéral. Donc les gouvernements provinciaux dépensent l’argent autrement», poursuit Rémi Léger.

Selon le professeur de sciences politiques, les libéraux ne se sont pas assez engagés sur la question. Il va falloir les talonner dessus, dit-il, surtout pour le programme des garderies à 10 $ par jour.

Dans certaines provinces, c’est plus difficile que d’autres de faire entendre la cause francophone. Et si l’on veut que ça fonctionne, le fédéral doit inclure les clauses linguistiques.

— Rémi Léger, professeur associé pour le département de sciences politiques à l’Université Simon Fraser

Selon le professeur de sciences politiques, les libéraux ne se sont pas assez engagés sur la question. Il va falloir les talonner dessus, dit-il, surtout pour le programme des garderies à 10 $ par jour.

«Dans certaines provinces, c’est plus difficile que d’autres de faire entendre la cause francophone. Et si l’on veut que ça fonctionne, le fédéral doit inclure les clauses linguistiques», assure-t-il.

«L’atout d’un gouvernement minoritaire, c’est qu’on peut essayer de retirer les bénéfices de chaque parti et essayer de les concrétiser», selon Rémi Léger.

Pour Me Mark Power, avocat spécialisé en droits linguistiques pour le cabinet Juristes Power Law, «le gouvernement fédéral, ici le bailleur de fonds, peut imposer les conditions qu’il veut tant qu’elles sont valides. La Charte canadienne des droits et libertés, au paragraphe 3, permet au gouvernement fédéral de poser des gestes qui ont pour effet d’améliorer le statut ou l’usage du français.»

Archives La Liberté

«Il peut exiger que l’argent destiné aux francophones et aux Acadiens soit véritablement dépensé de la façon prévue. Le gouvernement peut aussi exiger qu’une proportion équitable d’un certain budget soit dépensée pour des gens qui parlent français. Mais ce n’est pas une pratique généralisée», complète-t-il.

L’enjeu se trouve donc dans le fait d’inciter le gouvernement fédéral à généraliser cette pratique qui pérenniserait le droit des francophones en situation minoritaire.

Relations entre fédéral et provinces

Pour Me Power, il y aurait un avantage pour toutes les parties concernées. «Autant pour les provinces et les territoires qui sauraient sur quel pied danser, que pour le gouvernement fédéral, que pour les francophones. Si [nous] les francophones, on [pouvait] cesser de guetter derrière soi et passer davantage de temps à planifier notre avenir, ça serait plus constructif et plus susceptible d’assurer la construction linguistique et culturelle.»

L’explication de cette pratique dans certains secteurs est un concours de circonstances, comme le pense Me Mark Power.

À ma connaissance, ces clauses ont toujours été le résultat d’une ministre ou d’un ministre particulièrement intéressé.e par la question ou d’un sous-ministre qui l’a voulu. C’est certainement le résultat de chance ou de l’exécution d’un pouvoir discrétionnaire au bon moment.

— Me Mark Power, avocat spécialisé en droits linguistiques pour le cabinet Juristes Power Law

Si des clauses linguistiques venaient à apparaitre à l’avenir, reste la question de la marge de manœuvre du gouvernement fédéral pour vérifier que ces fonds ont bien été distribués.

«Le gouvernement fédéral aurait une marge de manœuvre totale. D’abord, le bailleur peut cesser de donner des fonds. Il peut exiger une certaine preuve ou une certaine conduite de la part de son interlocuteur. Il peut aussi choisir d’en donner moins ou pas du tout la prochaine fois», souligne encore Me Power.

«L’argument voulant qu’en droit ou qu’en pratique le gouvernement du Canada ne puisse pas imposer de clauses linguistiques n’est pas un argument sérieux. En revanche, est-ce qu’il existe une volonté politique de le faire? Je veux penser que oui parce qu’on parle depuis des années de solidifier le statut du français», ajoute-t-il.

Du côté manitobain, Angela Cassie, vice-présidente de la Société de la francophonie manitobaine (SFM), rappelle que ce sont des discussions de longue date.

Archives La Liberté

«Quand on parle de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, les relations entre le fédéral, les provinces et les territoires sont très importantes. Je pense aussi qu’il faudrait des clauses linguistiques qui imposent des obligations aux provinces. Sinon il faut sans cesse faire de la revendication», appuie-t-elle.

Elle conclut : «De notre côté, avec le Conseil consultatif des affaires francophones, on a des pourparlers avec la ministre des Affaires francophones, Rochelle Squires, qui montre une reconnaissance de la part de la province.»

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