Au début du mois d’octobre, des résidents d’Iqaluit ont eu une bien mauvaise surprise lorsqu’ils ont découvert une odeur s’apparentant à de l’essence dans leur eau courante. Alors que plusieurs personnes en avaient fait mention via les médias sociaux, la Ville d’Iqaluit avait publié un message d’intérêt public le 4 octobre en affirmant que l’eau potable, qui est testée et surveillée quotidiennement, répondait à tous les critères de qualité.
La situation a par la suite pris une autre tournure lorsque le gouvernement du Nunavut (GN) a déclaré l’état d’urgence le 14 octobre après avoir annoncé que des traces de contamination potentielle par des hydrocarbures ont été décelées à l’usine de traitement des eaux d’Iqaluit.
Cette information a par la suite été confirmée par les autorités. Face à cette crise, des experts sonnent l’alarme quant aux conséquences de l’aide apportée du point de vue environnemental.
Chronologie des évènements
Dans le message d’intérêt public publié le 4 octobre dernier [voir lien ci-dessus], la Ville d’Iqaluit affirmait que les tests concernant la qualité de l’eau potable ne démontraient aucun problème quant à sa qualité, tout en précisant que la situation serait surveillée de près : «La Ville prend ces inquiétudes au sérieux et a été en communication avec la santé publique […] à ce propos. L’eau potable est traitée au chlore (et à la lumière ultraviolette). Par conséquent, de légères odeurs de chlore peuvent être présentes dans l’eau», pouvait-on y lire, alors que le message affirmait également que la Ville procédait à des essais supplémentaires, en réponse à toutes les préoccupations exprimées par la population.
Marc-Émile Fortin, résident d’Iqaluit dans le secteur du Plateau, affirmait alors avoir constaté une odeur d’essence de type diésel en buvant un verre d’eau le matin du 3 octobre dernier :
Pour les trois heures qui ont suivi, j’ai eu de légers maux de ventre. C’est à ce moment que je suis allé faire couler l’eau de robinet et [remarqué] que ça sentait bel et bien l’essence.
Un peu plus d’une semaine plus tard, le ministère de la Santé du GN a émis un avis de non-consommation de l’eau potable en lien avec la présence d’odeur de carburant et une possible contamination par des hydrocarbures.
«Dans le cadre de ses démarches, la Ville a repéré que les odeurs étaient circonscrites à une partie du système de traitement et de distribution de l’eau. Des échantillons sont prélevés et la Santé publique prévoit recevoir des résultats d’analyses supplémentaires de laboratoires environnementaux hors territoire dans environ cinq jours ouvrables», peut-on lire dans un message d’intérêt public publié par la Ville d’Iqaluit le 12 octobre dernier.
En attendant les résultats, de l’eau potable a été puisée à la rivière Sylvia Grinnell par les camions d’eau de la ville pour ensuite être distribuée aux résidents d’Iqaluit, à la condition que ceux-ci apportent leurs propres contenants d’eau.

C’est finalement le 15 octobre que les résultats d’analyse sont tombés après que le ministère de la Santé a effectué six prélèvements dans le système de filtration de l’eau de la Ville d’Iqaluit.
«De ces prélèvements, celui du réservoir North Clear de l’usine de filtration d’eau a confirmé des niveaux de contamination susceptibles de causer des préjudices en cas de consommation de l’eau. D’autre part, l’eau du réservoir d’eau traitée, celui où l’eau est puisée pour la distribution, ne présentait que des niveaux inférieurs à ceux susceptibles de représenter des risques en cas de consommation de l’eau», déclare alors l’administrateur en chef de la santé publique du Nunavut, le Dr Michael Patterson.
Il confirme également qu’il est improbable que la consommation de l’eau au cours de la dernière semaine puisse avoir des répercussions sur la santé.
La Ville d’Iqaluit s’est ensuite affairée à régler le problème et a été en mesure d’isoler le réservoir et de le contourner. L’eau contaminée est pompée à l’aide de camions, puis transférée dans des réservoirs de stockage à des fins de traitement et d’assainissement. Un travail sera ensuite réalisé afin de déterminer la cause de l’infiltration des contaminants.
Ainsi, le 29 octobre, il était toujours demandé aux citoyens de ne pas utiliser l’eau du robinet pour boire, cuisiner ou pour les préparations pour nourrissons.
Il est toutefois possible de le faire pour effectuer la lessive, le nettoyage, le lavage de la vaisselle et pour se laver, à condition de ne pas avaler d’eau.
Il a été annoncé cette semaine du 25 octobre que la cause de la contamination est un déversement d’hydrocarbure, près du centre de traitement d’eau d’Iqaluit. L’armée est sur place pour soutenir la municipalité et le gouvernement territorial durant cette crise.
Dès le 29 octobre, les résidents d’Iqaluit ont pour consigne de rincer leurs canalisations d’eau, soit de laisser couler l’eau du robinet pendant plusieurs minutes.
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L’aide n’a pas tardé
En déclarant l’état d’urgence le 14 octobre, le gouvernement territorial a permis d’accélérer le processus afin de déployer les ressources nécessaires pour soutenir les efforts de protection de la santé publique et des infrastructures dans la ville d’Iqaluit.
La même journée, ce sont 19 000 litres d’eau potable dans des récipients de 4 L qui ont été reçus par avion et distribués à la population avec une restriction d’un maximum de quatre bidons réutilisables par ménage. Le lendemain, la Ville d’Iqaluit a confirmé l’arrivée de plus de 130 000 litres d’eau supplémentaires.
«Le gouvernement du Nunavut a expédié une cargaison d’environ 89 000 litres d’eau qui devrait arriver en différentes expéditions aujourd’hui. Un 42 000 litres d’eau supplémentaire est attendu pour la semaine prochaine», peut-on lire dans un communiqué de presse de la Ville d’Iqaluit qui rappelle aussi aux résidents ainés ou ayant des limitations physiques de contacter la ligne d’assistance pour l’eau potable afin que de l’eau leur soit livrée à domicile.
Des conséquences pour l’environnement?
Susanna Fuller, vice-président de l’exploitation et des projets chez Océans Nord, surveille la situation de près.
«Alors qu’Iqaluit répond à cette crise et que les partenaires répondent avec des offres d’aide, notamment sous forme d’approvisionnement en eau embouteillée, il faut tenir compte du fait qu’Iqaluit n’a pas la capacité de recycler ce plastique et que les milliers de bouteilles d’eau vont s’accumuler dans la décharge ou sur le paysage terrestre et marin», estime-t-elle.

Selon elle, il s’avère important d’analyser cet enjeu.
«Tous les efforts doivent être faits pour aider à apporter de l’eau provenant de sources locales, résoudre le problème et s’engager à rapporter les bouteilles en plastique aux installations de recyclage dans le Sud. Alors que la crise de l’eau pourrait bientôt être résolue, il serait injuste d’avoir ensuite provoqué une crise du plastique et des déchets», conclut Susanna Fuller.