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le Mardi 19 octobre 2021 16:31 Politique

Reconnaissance des terres autochtones non cédées : le Nouveau-Brunswick bâillonne ses employés

Les mots «non cédés» ou «non abandonnés» sont désormais proscrits par cette directive. «Il est important que les employés ne s’écartent pas de la formule de reconnaissance approuvée», peut-on lire dans la lettre signée par Hugh J. Flemming. — Archives – Acadie Nouvelle
Les mots «non cédés» ou «non abandonnés» sont désormais proscrits par cette directive. «Il est important que les employés ne s’écartent pas de la formule de reconnaissance approuvée», peut-on lire dans la lettre signée par Hugh J. Flemming.
Archives – Acadie Nouvelle
ACADIE NOUVELLE (Nouveau-Brunswick) – Le gouvernement Higgs provoque une vague d’indignation exigeant aux fonctionnaires provinciaux de ne plus utiliser les mots «non cédés» ou «non abandonnés» lorsqu’ils reconnaissent les territoires traditionnels des peuples autochtones. Simon Delattre – Acadie Nouvelle
Reconnaissance des terres autochtones non cédées : le Nouveau-Brunswick bâillonne ses employés
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Dans une note de service distribuée jeudi dernier à l’ensemble des employés de la fonction publique provinciale (fonctionnaires, enseignants et fournisseurs de soins de santé), le procureur général et ministre de la Justice impose un nouveau protocole lorsqu’il est question de reconnaitre le caractère ancestral du territoire.

Les mots «non cédés» ou «non abandonnés» sont désormais proscrits par cette directive. «Il est important que les employés ne s’écartent pas de la formule de reconnaissance approuvée», peut-on lire dans la lettre signée par Hugh J. Flemming, ministre de la Justice et de la Sécurité et procureur général du Nouveau-Brunswick.

«Cela inclut l’utilisation de formules de reconnaissance territoriale lors de réunions et d’évènements, dans les documents et dans les signatures de courrier électronique.»

Le ministre justifie cette consigne par l’implication du gouvernement dans un certain nombre de recours judiciaires et de revendications territoriales initiées par plusieurs communautés autochtones.

«À la suite de ce litige, les conseillers juridiques du gouvernement et le Bureau du procureur général ont recommandé que les employés de la province ne puissent pas faire ou émettre des reconnaissances territoriales ou de titre.»

contre les gouvernements fédéral et provincial, pour faire reconnaitre leur titre ancestral sur une zone qui correspond approximativement à la partie néobrunswickoise du bassin versant du fleuve Saint-Jean.

Elles allèguent notamment que la province ne respecte pas les traités de paix et d’amitié signés avec la Couronne britannique en 1725 et 1726. Cela représente plus de la moitié du territoire de la province.

«Consigne de silence» et «censure»

Dans une déclaration publiée vendredi matin, les six chefs de la Nation malécite Wolastoqey au Nouveau-Brunswick se disent profondément déçus par ce qu’ils qualifient de «consigne du silence» et de «censure». Ils soutiennent que leur titre ancestral non cédé constitue un fait historique que le gouvernement devrait accepter.

Son mépris pour notre peuple se confirme dans le refus du gouvernement de mener une enquête publique sur le racisme systémique, son déchiquetage de nos conventions fiscales, son aversion pour la mise en œuvre des 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation [CVR], sa prise de décision unilatérale sans aucune contribution autochtone et son attitude générale de confrontation à l’égard des négociations de nation à nation.

— Extrait d'une déclaration des six chefs de la Nation malécite Wolastoqey

Ils appuient également : «Higgs semble être coincé à l’âge des ténèbres. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick devrait chercher à travailler avec nous, afin que nous puissions progresser dans une relation de nation à nation, au lieu de continuer à trouver des moyens de travailler contre nous. Le message porté par cette nouvelle politique est un énorme pas en arrière pour le développement d’une relation positive.»

Consultez le site du journal Acadie Nouvelle

Sans consultation avec les Premières Nations

En mêlée de presse, le ministre Flemming a déclaré qu’il avait envoyé la note parce que la question de savoir si la terre n’était pas cédée ou non n’était toujours «pas résolue». Voici donc la formule retenue par la province, créée sans consultation avec les représentants des Premières Nations de la province.

«Nous reconnaissons respectueusement le territoire sur lequel nous nous réunissons en tant que patrie ancestrale des peuples Wolastoqey, Mi’gmaw et Peskotomuhkati. Nous nous efforçons d’établir des relations respectueuses avec tous les peuples de cette province alors que nous recherchons une guérison collective et une véritable réconciliation et honorons cette belle terre ensemble.»

Le ministre Flemming assure que les employés provinciaux qui ne conformeraient pas à la position du gouvernement ne seront pas punis ou réprimandés, notant qu’ils restent «des individus libres dans une société libre et un pays libre».

La note a également suscité l’ire des partis d’opposition. Le chef par intérim du Parti libéral, Roger Melanson, dénonce un «comportement paternaliste» et une directive «irrespectueuse et bornée».

Le processus de vérité et de réconciliation vise à améliorer la relation avec les Premières Nations, et non à faire en sorte qu’elle se détériore.

— Roger Melanson, chef par intérim du Parti libéral

Le chef du Parti vert, David Coon, demande lui aussi au procureur général Ted Flemming de retirer son interdiction.

«Reconnaitre que les peuples Wolastoqey, Mi’kmaq et Peskotomuhkati n’ont jamais cédé ou abandonné leurs territoires à la Couronne, c’est énoncer un fait historique. […] le premier pas vers la réconciliation est de dire la vérité. La note de service du procureur général ordonne aux employés publics d’être complices des sophismes de ce gouvernement. C’est répugnant.»

«Ce n’est rien de moins que de la propagande colonialiste qui perpétue et incarne les valeurs colonialistes», a renchéri le député vert de Kent-Sud, Kevin Arseneau, qui appelle les employés de la province à la «désobéissance civile».

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