En plus de leur amour partagé pour le théâtre, Allain Roy et Émanuel Dubbeldam se sont trouvé un point commun : le Nouveau-Brunswick.
Né à Caraquet dans la péninsule acadienne, Allain Roy est rentré au bercail il y a quelques années pour prendre la codirection générale et la direction artistique du Théâtre populaire d’Acadie après avoir passé quelques décennies à Montréal.
Émanuel Dubbeldam, comédien et dramaturge, est né et a vécu toute sa vie à Edmonton. Issu d’une famille exogame, il a toujours parlé français avec sa mère, qui est originaire de Campbellton, au Nouveau-Brunswick.
«On dit qu’il y a six degrés de séparation, mais avec une mère qui vient du Nouveau-Brunswick, on dirait qu’il y a un ou deux degrés de séparation», plaisante Émanuel Dubbeldam.

Allain Roy pendant les répétitions de Savèches, une fragmentation contemporaine en trois mouvements.
Écoutez l’épisode «Entre famille et francophonie» du balado Contact établi.
Dans ce quatrième épisode, faites la connaissance d’Allain Roy et d’Émanuel Dubbeldam qui discutent de leur identité linguistique et de la place de la communauté dans leur vie.
Redécouvrir sa francophonie
La question de l’identité linguistique et culturelle a occupé une grande place dans leur conversation.
«J’ai été à Montréal presque 30 ans comme travailleur en théâtre, assistant à la mise en scène et régisseur dans les théâtres montréalais», affirme celui qui a notamment côtoyé Robert Lepage, René Richard Cyr et Brigitte Haentjens.
«Quand j’ai commencé à travailler en théâtre à Montréal, j’étais assistant-régisseur et souvent tu as à souffler le texte. J’étais dans des situations où je devais souffler du Racine par exemple, mais avec le gros accent acadien, pouf! Ça stoppait la répétition.»
Il ne s’en est pas formalisé pour autant parce qu’il a adopté la famille du théâtre montréalais et voulait en faire partie. Au fil du temps, son accent acadien s’est effacé.
«C’est en revenant m’installer en Acadie que j’ai découvert la francophonie canadienne. Je te dirais que ç’a été le plus grand choc.»
Il affirme sentir une force dans la francophonie canadienne depuis son retour en Acadie.
«Dans la francophonie canadienne, je sens qu’il y a une force de vivre et de faire rayonner le français tout en acceptant une réalité qui est bilingue.»

Émanuel Dubbeldam
Être francophone ou bilingue : telle est la question
«Je suis bilingue et je suis francophone», affirme Émanuel Dubbeldam.
«Au Canada, il n’y a pas d’identité culturelle associée avec l’anglophonie, c’est comme le défaut. Mais la francophonie canadienne, et surtout la francophonie hors Québec, c’est identitaire, c’est culturel. Oui, je m’associe à cette étiquette, pas nécessairement à l’étiquette anglophone, mais oui à l’étiquette bilingue parce que ça fait partie aussi de mon quotidien.»

Émanuel Dubbeldam coanime l’émission jeunesse ONIVA! à la télévision de Radio-Canada depuis 2017.
Le père d’Émanuel lui a toujours parlé en anglais et sa mère toujours en français. Il s’estime chanceux d’avoir pu grandir avec les deux langues et de pouvoir vivre dans les deux univers.
«J’ai une langue maternelle et j’ai une langue paternelle», s’amuse-t-il à dire.
C’est important aussi pour Émanuel Dubbeldam d’utiliser divers registres de français pour s’adapter à divers contextes.
«Avec mes amis, je ne parle pas le même français qu’en situation soutenue. Je parle un différent français selon le contexte dans lequel je suis.»
Allain Roy craint un appauvrissement de la langue par l’inclusion d’un trop grand nombre de mots anglais dans les conversations en français, ce à quoi s’oppose Émanuel Dubbeldam.
«Il y a des choses qui doivent être comprises universellement. Mais quand ça vient à l’art, par exemple au théâtre, pour moi, c’est très important que ma communauté se reconnaisse», argumente-t-il.
Savoir qui on est
Émanuel Dubbeldam est un militant queer et un des membres fondateurs du Comité FrancoQueer de l’Ouest.
Après avoir passé une partie de son enfance et de son adolescence à ne pas se sentir à l’aise dans son corps et avec son identité, il s’est rendu compte, en 2016, qu’il était trans. L’année suivante, il entreprenait sa transition.
«C’est une des meilleures décisions de ma vie. Ç’a complètement changé mon niveau de confiance en moi-même, en qui je suis. Je n’ai que de bonnes choses à dire de ma transition.»
«Je trouve ça admirable», s’empresse de lui dire Allain Roy, ému par l’histoire de son interlocuteur, qui note qu’il y a encore des malaises autour de lui et qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir.
«Le malaise est nécessaire, dit Allain Roy, parce qu’il nous fait avancer. Quand je me retrouve devant des situations comme ça, ça me force à me questionner. Je dirais même que l’humanité avance avec des questionnements.»
«Ça prend de la vulnérabilité d’avouer qu’on ne connait pas quelque chose ou qu’on n’est pas certain de quelque chose. Ce n’est pas surprenant que ce malaise, cette vulnérabilité-là, c’est quelque chose qu’on veut éviter. Mais sans l’accueillir à bras ouvert cette vulnérabilité, on ne va jamais rien apprendre», conclut Émanuel Dubbeldam.

Qu’est-ce que Contact établi?
Le balado Contact établi présente des rencontres improbables entre des francophones qui ne se sont jamais croisés, qui viennent de deux régions de la francophonie et qui sont issus de deux générations différentes.
Une initiative de Francopresse réalisée grâce à une bourse Enrichir nos communautés d’Unis TV.
Un nouvel épisode de Contact établi sera dévoilé sur Francopresse.ca chaque samedi matin, jusqu’au 15 octobre.