Un «environnement éducatif de qualité», «plus d’opportunités» et «une situation économique difficile au pays [de départ]» sont autant d’éléments qui ont amené le jeune couple à fouler le sol canadien.
Ce n’est toutefois qu’un an après avoir reçu leur résidence permanente qu’ils ont enfin pu embarquer en direction du Canada, un voyage longuement préparé.
«Il nous fallait du temps pour que François arrête son travail, il fallait déménager de l’appartement et préparer nos valises pour ce nouvel horizon, commente Ornella. C’est pourquoi nous avions programmé notre voyage le 20 mars 2020. Mais hélas, le 18 mars, les frontières ont été fermées.»
C’est parce qu’ils ont reçu leur nouveau statut de résidents permanents avant le 18 mars 2020, date de fermeture officielle des frontières canadiennes, qu’ils ont tout de même pu venir en ce début 2021, alors que le Canada continue de lutter contre la COVID-19.
Les immigrants ayant reçu leur résidence permanente après le 18 mars 2020 devront attendre l’ouverture totale des frontières ou, du moins, un assouplissement de la part du gouvernement fédéral à leur endroit.
François, comptable de formation, et Ornella, professeure de langues, ont vu dans le Canada un futur qui leur permettrait d’évoluer professionnellement.

Ornella a passé son enfance dans l’ouest du Cameroun, à Bazou. La jeune fille se pique de curiosité très tôt pour l’apprentissage des langues. Titulaire d’une «licence» — l’équivalent d’un baccalauréat — en éducation et langues étrangères (espagnol) et d’un «master» — l’équivalent d’une maitrise — en éducation, elle devient enseignante de français et d’espagnol à l’équivalent du secondaire au Cameroun.
Dès son arrivée au Canada, la jeune femme, sérieuse et souriante, dit s’être immédiatement inscrite à l’Université d’Ottawa pour poursuivre ses études doctorales. «Je veux être doctorante», explique-t-elle, le ton assuré et le sourire un peu gêné de parler d’elle. Mais derrière son air timide, Ornella est déterminée.
Le Canada, terre d’opportunités
Cette motivation, elle la puise de ses observations de la situation économique de son pays :
Tous les diplômés ne trouvent pas de travail au Cameroun, même s’ils ont fait des études. Beaucoup se tournent vers le secteur informel.
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Selon un article de Novice Patrick Bakehe publié en 2016 dans la revue Innovations, «l’activité informelle peut […] être définie comme une activité qui n’est pas ou qui est faiblement enregistrée (OCDE, 1997).»
«Les entreprises de ce secteur produisent alors les biens et services ordinaires, très proches de ceux produits par les entreprises formelles. En fait, elles sont informelles, non pas parce que les activités dans lesquelles elles se lancent sont illégales, mais parce qu’elles violent les règles gouvernant l’entreprise et entrainent par conséquent l’évasion fiscale», peut-on encore y lire.
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Ornella explique que «même avec des maitrises et des doctorats, les jeunes ne trouvent que des sous-emplois».
«J’aime mon pays, mais nos dirigeants ne semblent pas se soucier de la population, note-t-elle. Nous avons beaucoup de ressources, beaucoup de richesses [pétrole, gaz, minerais, café, coton, etc., NDLR]. Mais nous ne les faisons pas prospérer, en tout cas pas pour nous. Les intellectuels qui observent cela ne sont pas soutenus. […] Il faut du changement et vite.»

Ornella souligne la guerre civile (la crise anglophone) qui déchire le pays depuis quatre ans maintenant. Elle explique que le Cameroun est un pays bilingue à majorité francophone (80 % des citoyens parlent le français), et que les anglophones se sentent exclus des décisions.
«Depuis la fin 2016, des civils se lèvent contre le pouvoir pour mettre fin à cette division, dans la zone NOSO [voir encadré]», poursuit Ornella. Si sa famille et celle de son mari ne vivent pas dans les zones les plus dangereuses, Ornella anticipe : «Je pense que ce seront plutôt eux qui viendront nous voir au Canada que l’inverse…»
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Au Cameroun, les anglophones représentent 20 % de la population et se sentent marginalisés. Ils ont exprimé leurs frustrations fin 2016, lorsque des revendications corporatistes (majoritairement des avocats et des enseignants) se sont transformées en demandes politiques, donnant lieu à des grèves et des émeutes.
Le conflit, connu sous le nom de «guerre d’Ambazonie», est lié à la situation sociopolitique spécifique de la zone «NOSO», soit des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (NOSO) du Cameroun depuis la fin de 2016. Cette crise se transforme progressivement, à travers des revendications sécessionnistes fortes en raison des réponses jugées insuffisantes du gouvernement camerounais, du refus d’ouvrir un débat sur le retour au fédéralisme et de nombreuses violations des droits de la personne par les forces de sécurité camerounaises.
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Ces raisons politiques et économiques ont pesé dans la balance pour un départ vers Ottawa, qui a semblé au couple être une bonne ville pour commencer leur nouvelle vie.
Ici, au Canada, nous pensons que nous pourrons gagner notre vie dans des métiers pour lesquels nous sommes formés et faire des économies. Mais nous ne fermons pas la porte à un retour au Cameroun.
«Nous sommes aussi ouverts à tenter une autre ville canadienne ou un autre pays. Vraiment, tout dépendra des opportunités. Et au Canada, il y en a plus que chez nous», constate Ornella.
Le couple se donne environ cinq ans pour amasser assez d’économies afin d’investir au Cameroun et éventuellement s’assurer d’un retour serein dans leur pays. Cependant, s’ils décident de rester au Canada, ils veulent assurer une «éducation de qualité» à leurs futurs enfants, car l’éducation est une autre des préoccupations du jeune couple.

«L’enfant est une richesse»
À peine arrivée au Canada, Ornella se projette en tant que mère : «Nous voulons que nos futurs enfants grandissent dans un pays où leur avenir sera assuré.» Son compagnon François veut plus de quatre enfants.
«Au Cameroun, nous sommes élevés avec la mentalité selon laquelle l’enfant est une richesse. Donc pas mal de gens en veulent beaucoup», souligne Ornella en riant.
Elle se montre plus réservée sur le nombre. «François a grandi dans une famille de huit enfants, dont il est le benjamin. Ils n’étaient pas riches, mais ils avaient le nécessaire. Moi, j’ai grandi avec un petit frère plus jeune de deux ans. Nous avions moins de moyens. Et nous avons été élevés uniquement par ma mère…»
Elle voit donc dans le Canada une terre pleine d’opportunités pour fonder une famille.
Au travers des incertitudes liées à la pandémie, certaines histoires ressortent comme autant de bouffées d’air et d’espoir. C’est notamment le cas de nombreux francophones qui ont choisi le Canada comme terre d’accueil, il y a de cela quelques mois ou des années. Chaque samedi, Francopresse vous présente quelques-unes de leurs histoires d’immigration, un clin d’œil à la vie qui continue même quand tout le reste s’arrête.