Ça a d’abord été le cas aux résidences de l’Université de Sudbury (UdeS), où j’ai retrouvé d’anciens collègues du Collège du Sacré-Cœur et me suis fait de nouveaux amis.
Au Département de français, qu’on aurait pu appeler le Département des Français tant ils dominaient, le dépaysement était plus grand. Mais je m’y suis fait et c’est là que de grandes choses sont nées grâce à des rencontres déterminantes, dans le couloir même du département, véritable carrefour par lequel tout le monde passait : Fernand Dorais, André Girouard, Georges Bélanger et le grand Robert Dickson, parmi les profs inspirants.
Ou encore Robert Paquette, André Paiement, Gaston Tremblay, Pierre Bélanger, Thérèse Boutin, Anita Brunet, Réjean Grenier, Marie-Elisabeth Brunet, Claude Belcourt… des musiciens, des artistes, des comédiens, des poètes, des provocateurs, des organisatrices, des brasseuses d’idées, des brasseurs d’affaires, des magiciennes et des rêveurs.
Entre ces êtres disparates, un courant est passé. Ce courant a créé à son tour tout un mouvement d’affirmation franco-ontarienne qui a déferlé sur le Nouvel-Ontario d’abord, cet espace identitaire qu’ils s’appropriaient, puis sur l’Ontario français tout entier.
J’ai participé à ce mouvement en tant que membre de la distribution de la pièce de théâtre Moé j’viens du Nord ‘stie!, œuvre à l’origine du Théâtre du Nouvel-Ontario (TNO), puis comme membre fondateur de la maison d’édition Prise de parole.
Il va sans dire que ces expériences et ces amitiés m’ont profondément marqué, m’ont ouvert la voie à une carrière en communications, en français, en Ontario.
C’est par ce filtre de mon vécu que j’essaie de comprendre ce qui s’est passé dans cette institution universitaire de Sudbury, que je nommerai désormais Laurentian University. Mais je ne comprends pas.
Que restera-t-il de cette université?

J’éprouve un vif sentiment d’abandon, en tant que diplômé francophone, de voir près de la moitié des programmes d’enseignement en langue française disparaitre du jour au lendemain.
L’élimination du Département d’études françaises me fait particulièrement mal tant c’est insensé et incompréhensible. C’est tout aussi vrai des autres programmes touchés par ce cruel «ménage du printemps 2021».
Je trouve difficilement les mots pour exprimer adéquatement toute mon indignation devant la façon dont une centaine de professeurs ont été virés sans cérémonie, dans le plus total manque d’égards et de respect des plus élémentaires.
Des professeurs dont je connais l’engagement indéfectible envers leurs étudiants et leur grande valeur pour la communauté entière, certains très près de la retraite, sont chômeurs tout à coup.
Et les étudiants, qui se retrouvent dans l’impossibilité de poursuivre les études dans leur programme, ne sont pas mieux traités. Malgré les assurances des gestionnaires, ils ne parviennent toujours pas à obtenir des renseignements clairs sur les options qui s’offrent à eux.
Cela en obligera plusieurs à aller étudier ailleurs ou, plus triste encore, à carrément quitter les études parce qu’un transfert n’est pas possible ou parce que c’est trop cher. Personne n’a eu le temps de s’y préparer.
Que restera-t-il alors de cette université qui n’a évidemment plus les moyens de ses prétentions? Elle n’est certainement pas en mesure de façonner un avenir quelconque pour la francophonie du Nord parce qu’elle se l’est mise à dos une fois pour toutes, cette francophonie, qui y voyait d’ailleurs de moins en moins sa place.
Nous avons aujourd’hui une occasion en or de nous donner cette université dont nous rêvons depuis si longtemps, et je crois qu’il faut la saisir sans hésiter. Je serais fier de voir l’Université de Sudbury, ma véritable alma mater, y jouer un rôle central.