La semaine dernière, l’Université de Sudbury (UdeS) annonçait qu’elle était prête à devenir une institution «par, pour et avec» la communauté francophone et à possiblement récupérer tous les programmes en français de l’Université Laurentienne (UL).
Cette décision historique a été précipitée par la situation financière désastreuse de la Laurentienne. Ployant sous le poids d’une dette de 200 à 300 millions de dollars, l’UL s’est récemment placée sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
L’UdeS est l’un des quatre établissements qui forment la Fédération de l’Université Laurentienne. Ces collèges sont financièrement indépendants.
La quasi-banqueroute de la Laurentienne met en péril ses programmes en français. C’est ce qui a motivé la communauté franco-ontarienne à ressortir son projet d’une université de langue française multicampus.
Encore loin de la coupe aux lèvres
C’est un projet qui ne pouvait que plaire à l’Université de Sudbury, héritière du Collège du Sacré-Cœur qui, de 1913 à 1966, a offert le fameux cours classique aux jeunes garçons francophones du Nord.
Ce sont d’ailleurs les Jésuites de ce collège qui, en 1956, ont créé la première université nord-ontarienne : l’Université de Sudbury, francophone et catholique – elle deviendra bilingue en 1958.
En 1960, les difficultés financières dues au refus de l’Ontario de financer des institutions confessionnelles et à la jalousie des protestants et des anglicans, qui voulaient aussi leur université, ont finalement forcé une fédération des institutions existantes, qui a donné naissance à l’Université Laurentienne.
L’annonce de vendredi dernier a réjoui la communauté franco-ontarienne, qui voit là la réalisation de son rêve, mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres.
Pour l’instant, tout ce qu’on sait, c’est que l’UdeS a deux chartes universitaires et qu’elle veut les utiliser pour desservir exclusivement les communautés francophones et autochtones. L’université est même prête à se déconfessionnaliser.
Des défis de taille à surmonter
Même si l’UdeS réussissait à débroussailler rapidement les questions internes que pose sa décision — changement aux statuts et règlements, déconfessionnalisation, élimination des programmes en anglais — elle fera quand même face à deux défis incontournables : l’aval du gouvernement ontarien et des négociations que je prévois âpres avec la Laurentienne.
Ça, c’est sans compter les ententes de collaboration qu’elle devra à mon avis négocier avec les autres institutions universitaires de langue française de l’Ontario — UOF, Saint-Paul, Hearst, etc. — afin de réaliser le rêve d’une université multicampus.
Dans des entrevues accordées à ONFR+, les deux ministres ontariens responsables du dossier — Ross Romano aux Collèges et Universités et Caroline Mulroney aux Affaires francophones — ont fait valoir que rien de tout ça ne pouvait se faire sans leur approbation.
Disons que leurs réponses n’étaient pas très enthousiastes, ce qui est vraiment désolant puisque la réussite d’un tel transfert nécessitera non seulement leur bénédiction, mais aussi un important financement.
Il reste la Laurentienne. Oh boy! Au moment d’écrire ces lignes, le lundi 15 mars, l’UL n’a pas encore réagi, mais si on se rapporte à la dernière communication de son recteur, Robert Haché, la Laurentienne veut maintenir son statut bilingue.
Mais soyons optimistes. Admettons que l’UL, engluée dans ses déboires financiers, pourrait décider de négocier. Il y aurait alors une myriade de détails à régler.
Entre autres : transfert de tous les cours en français ou juste de quelques-uns? Que feront les étudiants et professeurs inscrits à ces cours? La Laurentienne voudra-t-elle que l’UdeS continue d’être de la Fédération? Les deux institutions pourront-elles s’entendre sur un partage de locaux et de services? Si oui, ces services seront-ils offerts totalement en français?
L’avenir de notre retour vers le futur dépendra des réponses à ces questions et à bien d’autres, et ça ne se fera pas en criant «binne». Mais comme dans toutes nos batailles pour obtenir une éducation en français au Canada, nous ne baisserons pas les bras.